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POPULISME

Un spectre hante le monde des médias occidentaux depuis les années 1990, celui du populisme. Il est arrivé une singulière mésaventure au mot « populisme » : il est devenu populaire. Il est désormais suremployé dans le langage politique, alors même que son sens n’est pas fixé. C’est que cet « isme » n’est pas une idéologie politique « dense » comme le libéralisme, le nationalisme, le socialisme, le communisme, le fascisme ou l’anarchisme. Ceux qui tiennent à l’aborder à la manière d’une idéologie reconnaissent qu’il s’agit d’une idéologie « faible », « molle », « ténue » ou « peu substantielle » (C. Mudde & C. Rovira Kaltwasser, 2017), qui est vouée à s’encastrer dans n’importe quelle idéologie forte. Dans les sciences sociales, cette notion floue qu’est le populisme reste discutée et contestée, jusqu’à être parfois rejetée comme inutile et trompeuse.

Usages contradictoires d’un mot caméléon

Ce mot caméléon étant sorti du langage savant, où il avait, notamment dans les travaux historiques, une valeur descriptive et typologique, ses usages dominants s'inscrivent désormais dans le champ des débats occupé par les acteurs politiques, les journalistes et les intellectuels de la scène publique. Significativement, « populisme » se décline souvent dans des expressions polémiques : « dérive populiste », « tentation populiste », « danger populiste », voire « virus » ou « prurit populiste ». Le phénomène n’est pas nouveau : lorsque l’adjectif populistic est employé aux États-Unis pour la première fois dans un article publié en 1896, il est doté du sens péjoratif qu’il possédait alors pour qualifier les membres et les dirigeants du People’s Party (ou Populist Party, parti ayant connu plusieurs succès électoraux aux États-Unis dans les années 1890).

Commission d’enquête parlementaire sur l’attaque du Capitole - crédits : Matt McClain/ The Washington Post/ Getty Images

Commission d’enquête parlementaire sur l’attaque du Capitole

À partir de la fin du xxe siècle, dans les usages polémiques du terme, c’est tel ou tel populisme de droite ou d’extrême droite qui est le plus souvent visé, en général incarné par un leader autoritaire et charismatique, Donald Trump étant le plus célèbre du début du xxie siècle. Le leader populiste est ainsi réduit au type de l’homme fort ou à celui de l’apprenti sorcier jouant sur les émotions, deux figures inquiétantes. Il ne faut cependant pas oublier l’existence des populismes de gauche, qui mêlent des revendications sociales à des thèmes renvoyant à la souveraineté du peuple, censée être confisquée ou dénaturée par les élites dirigeantes, jugées « coupées du peuple ». Les populistes de gauche privilégient le registre de l’antimondialisation, tandis que les populistes de droite centrent leur discours sur le rejet de l’immigration et du multiculturalisme. Les premiers s’inscrivent dans l’héritage du socialisme, les seconds dans celui du nativisme, qui postule que les vrais citoyens sont des nationaux « de souche » et que les immigrés (ou leurs descendants) représentent une menace pour l’homogénéité de la communauté nationale. Toutes les mouvances populistes récusent pourtant la thèse de la « mondialisation heureuse » et toutes veulent « rendre le pouvoir au peuple ».

Jair Bolsonaro et Viktor Orbán - crédits : Marton Monus/ picture alliance/ Getty Images

Jair Bolsonaro et Viktor Orbán

Des observateurs de tous bords affirment depuis la fin du xxe siècle que nous vivons à l’heure du populisme, que nous traversons un « moment populiste » ou que nous sommes entrés dans « l’âge du populisme ». Certains s’en félicitent (V. Coussedière, 2012 ; A. de Benoist, 2017 ; C. Mouffe, 2018), d’autres s’en inquiètent, y voyant une menace pesant sur la démocratie libérale (I. Krastev, 2007, 2011 et 2017 ; D. Reynié, 2011 ; Y. Mounk, 2018). On peut voir en effet dans les mouvements populistes soit une promesse de ressourcement ou d’enrichissement de la démocratie en tant que gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, soit une forme de démagogie simpliste[...]

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Commission d’enquête parlementaire sur l’attaque du Capitole - crédits : Matt McClain/ The Washington Post/ Getty Images

Commission d’enquête parlementaire sur l’attaque du Capitole

Jair Bolsonaro et Viktor Orbán - crédits : Marton Monus/ picture alliance/ Getty Images

Jair Bolsonaro et Viktor Orbán

Mouammar Kadhafi, 1973 - crédits : Michel Artault/ Gamma-Rapho/ Getty Images

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