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POPULISME

Deux types contemporains de populismes : le protestataire et l'identitaire

Une première approche générale du populisme politique contemporain peut se fonder sur une distinction simple entre deux pôles – selon que le peuple est considéré comme dêmos ou comme ethnos – du discours populiste ; l'un protestataire ou, plus précisément, protestataire-sociétal, l'autre identitaire ou identitaire-national, qui définit le noyau dur du national-populisme au sens strict (P.-A. Taguieff, 2007 et 2012). Cette distinction est illustrée approximativement, imparfaitement, par des mouvements politiques particuliers. Chacune des deux formes du populisme peut se fixer à droite ou à gauche, se jumeler avec une orientation libérale ou une position conservatrice.

Le populisme protestataire

Dans le populisme protestataire, l'appel au peuple est orienté principalement vers la critique ou la dénonciation des élites de fait, que celles-ci soient politiques, administratives, économiques ou culturelles. Cet antiélitisme est indissociable de l'affirmation d'une confiance dans le peuple, défini comme l'ensemble des citoyens ordinaires. C'est pourquoi, sur la base de l'opposition entre les élites factuelles (sinon légitimes) et le peuple, cette forme de populisme peut être décrite comme un hyperdémocratisme, idéalisant l'image du citoyen actif et méfiant à l'égard des systèmes de représentation, censés le déposséder de son pouvoir ou de ses initiatives. La distinction entre l'élite et le peuple peut prendre la forme d'une opposition manichéenne entre ceux d'« en haut » (le « pays légal ») et ceux d'« en bas » (le « pays réel ») : l'intensité de la position protestataire en dépend. Cette double critique, visant les élites et la représentation, justifie la définition d'un projet politique centré sur la réduction de l'écart entre le peuple et ceux qui le gouvernent au nom d'une conception de la démocratie directe censée favoriser le citoyen actif. C'est la face positive de cette première forme du populisme politique : idéaliser la démocratie directe et prôner corrélativement certains outils institutionnels (référendum) permettant son exercice.

Ce type de populisme se rencontre dans les attitudes, les mouvements ou les idéologies protestataires qui mettent en œuvre la fonction « tribunitienne » (G. Lavau) : des partis communistes aux mouvements écologistes, des mouvements régionalistes ou autonomistes contestant la représentation nationale aux partis « libéraux » critiquant le système de l'État-providence. Ce libéral-populisme s'est incarné dans le Parti libéral autrichien, le FPÖ, dirigé de 1986 à 2000 par Jörg Haider, qui a déclaré : « Notre populisme signifie simplement : représenter ce qui bénéficie aux citoyens et non pas aux fonctionnaires rouges [les socialistes] et noirs [les démocrates-chrétiens] » (6 août 1990). Au cours de la décennie de 1990, l'électorat du FPÖ s'est, à l'instar de celui du Front national français, renforcé en recrutant une proportion grandissante d'ouvriers : ces derniers lui apportaient les trois quarts de ses voix.

L'appel au peuple implique la dénonciation du système établi de représentation politique, symbolisé par les « vieux partis » (démocrates-chrétiens et socialistes) dans le discours de Jörg Haider, par la « bande des quatre » dans celui de Jean-Marie Le Pen, par « la caste qui nous gouverne », cette « aristocratie des riches » dénoncée par Marine Le Pen. Son mode de légitimation le plus efficace consiste à exiger plus de démocratie, toujours plus de démocratie. À cette demande parfois hyperbolique de démocratisation s'ajoutent d'autres thèmes, qui tendent à le situer politiquement à droite.

– L'anti-intellectualisme,[...]

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Commission d’enquête parlementaire sur l’attaque du Capitole - crédits : Matt McClain/ The Washington Post/ Getty Images

Commission d’enquête parlementaire sur l’attaque du Capitole

Jair Bolsonaro et Viktor Orbán - crédits : Marton Monus/ picture alliance/ Getty Images

Jair Bolsonaro et Viktor Orbán

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