- 1. Usages contradictoires d’un mot caméléon
- 2. Pour une approche conceptuelle
- 3. Populismes latino-américains : le modèle historique du « national-populisme »
- 4. Premières modélisations des populismes
- 5. Deux types contemporains de populismes : le protestataire et l'identitaire
- 6. Populismes agraires et populismes politiques
- 7. Le national-populisme autoritaire du Front national en France : un type idéal
- 8. Le populisme entre le mythique et le médiatique
- 9. Une internationale populiste ?
- 10. Le populisme, symptôme de la crise des démocraties représentatives
- 11. Bibliographie
POPULISME
Populismes agraires et populismes politiques
Une intéressante tentative de clarification a été faite par Margaret Canovan, dans un livre paru en 1981, Populism. Pour mettre de l'ordre dans la diversité des populismes, elle présente une typologie fondée sur une première distinction entre deux grandes catégories : le populisme agraire et le populisme politique. Le populisme agraire est de trois types.
– Le radicalisme des fermiers des États de l'ouest et du sud des États-Unis : au début des années 1890 est créé le Parti du peuple (People’s Party), dont l'objectif est de « remettre le gouvernement de la République aux mains des gens simples ». Ses leaders dénoncent les méfaits du capitalisme ainsi que les ravages de la civilisation urbaine, et rejettent les partis traditionnels. Ce mouvement disparaît très vite de la scène politique, après la défaite du candidat démocrate-populiste William J. Bryan à l'élection présidentielle de 1896. Cependant, nombre de revendications du Parti du peuple seront adoptées et, à bien des égards, le populisme fut une figure du réformisme, avant d'inspirer le progressisme, lui-même précurseur du New Deal.
– Les mouvements paysans de l'Est européen (les partis populistes paysans en Roumanie, nés à la fin du xixe siècle, jouèrent un rôle important dans l’entre-deux-guerres).
– Le socialisme agraire des intellectuels, dont le populisme russe (né à la fin du xixe siècle) est le prototype, fondé sur une idéalisation du communautarisme rural. Les populistes russes ont élaboré idéologiquement les réactions de défense des sociétés agraires menacées de dislocation par le capitalisme. Ils se plaçaient dans une perspective démocratique et humaniste que Lénine, à l'instar des jacobins russes, avait rejetée.
Margaret Canovan distingue ensuite quatre types de populismes politiques, phénomène moderne supposant la mobilisation nationale des masses en référence à l'idée démocratique de « souveraineté du peuple ».
– La dictature populiste, sur le modèle du péronisme, régime autoritaire de type national-populaire. Dans ces « césarismes populistes » très répandus en Amérique latine au xxe siècle, on rencontre une dimension bonapartiste, qu'expliquent la faiblesse des bourgeoisies nationales et leur incapacité à imposer une domination stable ou à accomplir une révolution nationale à leur profit.
– La démocratie populiste, incarnée notamment par le modèle suisse, de type référendaire, où la démocratie participative est liée à la structure fédérale de l'État. Les procédures de démocratie directe ou semi-directe y sont fort diversifiées : initiative populaire qui permet à une partie du peuple de proposer une révision totale ou partielle de la Constitution, référendum législatif facultatif, référendum constitutionnel obligatoire, etc.
– Le populisme réactionnaire, dans le style national- raciste illustré, au cours des années 1960, par George C. Wallace aux États-Unis et par Enoch Powell en Grande-Bretagne. Gouverneur d'Alabama de 1962 à 1966, puis de 1970 à 1974, leader politique dans la tradition populiste du sud des États-Unis, Wallace se rendit célèbre par son opposition à la campagne pour l'égalité des droits civiques ainsi qu'à la lutte contre la ségrégation raciale à l'école. Lors de sa campagne pour l'élection présidentielle de 1968, il joua sur les thèmes du respect de la loi et de l'ordre, de la dénonciation des élites coupées des simples et honnêtes citoyens, dont il savait exploiter les préjugés anti-Noirs. Quant à Enoch Powell, son populisme se nourrissait d'une forte hostilité à l'égard des immigrés et s'inscrivait dans la tradition d'un conservatisme infléchi vers un « romantisme patriotique », un nationalisme spécifiquement britannique rejetant toute alliance économique avec[...]
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Écrit par
- Pierre-André TAGUIEFF : directeur de recherche au CNRS
Classification
Médias
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