- 1. Usages contradictoires d’un mot caméléon
- 2. Pour une approche conceptuelle
- 3. Populismes latino-américains : le modèle historique du « national-populisme »
- 4. Premières modélisations des populismes
- 5. Deux types contemporains de populismes : le protestataire et l'identitaire
- 6. Populismes agraires et populismes politiques
- 7. Le national-populisme autoritaire du Front national en France : un type idéal
- 8. Le populisme entre le mythique et le médiatique
- 9. Une internationale populiste ?
- 10. Le populisme, symptôme de la crise des démocraties représentatives
- 11. Bibliographie
POPULISME
Une internationale populiste ?
Début juillet 2018, en Italie, le chef de la Lega (Ligue) et ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, admirateur de Donald Trump et de Vladimir Poutine, se qualifiant lui-même de « populiste », a lancé́ l’idée d’une « Ligue des ligues en Europe », définie comme « l’alliance des populismes qui unira tous les mouvements libres et souverainistes qui veulent défendre leur peuple et leurs frontières ». Son idée directrice est que les mouvements dits populistes en Europe ont une « vision commune », opposée à celle de « l’Europe des élites, des banques, de l’immigration et du travail précaire ». Incarnation du
« populisme de droite » pour ses adversaires, Salvini prétend vouloir en finir avec le clivage gauche-droite et voit dans « les populismes » la réalisation en cours de son projet politique. Six mois plus tard, Matteo Salvini et Luigi Di Maio se sont prononcés publiquement en faveur des « gilets jaunes », définis par le premier comme un mouvement de « citoyens honnêtes protestant contre un président gouvernant contre son peuple », tandis que le second leur lançait ce conseil : « Ne faiblissez pas ! » D’où la mise en place d’une opposition sloganisée, assumée par le président français Emmanuel Macron comme par ses ennemis italiens déclarés : « populistes » contre « progressistes ».
Aux États-Unis, Steve Bannon, éphémère conseiller de Donald Trump à la Maison-Blanche, s’est autoproclamé le chef d’orchestre de cette offensive dite « populiste » en Europe et, plus largement, dans d’autres régions du monde. Sa conception du « populisme » n’est pas conceptuellement nouvelle : elle est fondée sur l’idée-force d’un dépassement du clivage droite-gauche, remplacé par l’opposition entre les élites et le peuple. Ce qui est nouveau, c’est l’idée d’une « internationale populiste ». Dans une interview publiée le 5 janvier 2019 sur le site de L’Express, Bannon célèbre le mouvement transpolitique des « gilets jaunes » en les donnant pour un exemple à suivre, celui d’une mobilisation de masse caractérisable par le « ni droite ni gauche » : « Aujourd’hui, ces perdants de la mondialisation, paupérisés comme jamais, se réveillent et crient : “Stop !” La beauté́ de leur action est qu’elle réunit des gens de droite comme de gauche. Au pays de la Révolution française, le mouvement des gilets jaunes mène la mère des batailles. Ils sont une inspiration pour le monde entier. »
Aux élections législatives italiennes de septembre 2022, la coalition de droite (comprenant Forza Italia de Berlusconi et la Lega de Salvini) a remporté 43,8 % des voix, et le parti souverainiste-populiste de Giorgia Meloni, Fratelli d’Italia, est arrivé en tête avec 26 % des suffrages, contre 4,3 % en 2018, ce qui a permis à Meloni, surnommée par ses adversaires « la Ducetta » (l’héritière du Duce), de devenir la présidente du Conseil italien, fermement décidée à « défendre les intérêts nationaux au sein de l’Union européenne ». L’un de ses objectifs déclarés est de détricoter le « système d’hégémonie culturelle » mis en place par la gauche.
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Écrit par
- Pierre-André TAGUIEFF : directeur de recherche au CNRS
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