PORT-ROYAL
La marque de Saint-Cyran
Longtemps privée de bons conseillers spirituels, la mère Angélique avait, en 1618, fait la rencontre de saint François de Sales, qui, jusqu'à sa mort, fut pour elle un guide passionnément écouté. Elle ne retrouva ensuite le sentiment d'une absolue confiance qu'avec celui dont le destin, à partir de 1635, fut inéluctablement lié à celui de Port-Royal, Jean Du Vergier de Hauranne, abbé de Saint-Cyran.
Qu'apportait de nouveau ce prêtre déjà illustre ? Les talents d'un remarquable directeur de conscience. Une doctrine spirituelle sobre et claire, invitant d'abord à la « conversion » du cœur. Un grand attachement, naturel chez un disciple de Bérulle, pour le clergé séculier et une grande méfiance à l'endroit des moines, particulièrement des jésuites. Une science religieuse impressionnante, et la conviction que la foi doit être éclairée, la bonne volonté brute et la simple obéissance ne pouvant suffire. L'affirmation d'un christianisme intransigeant et total, refusant toute compromission avec le monde. D'où quelques jugements sévères, et imprudents, sur la corruption de l'Église contemporaine et sur l'amoralisme politique de Richelieu.
Ces vues très absolues exercèrent une grande séduction sur des âmes exigeantes. De ce nombre, d'abord, la mère Angélique. Puis un jeune neveu de l'abbesse, brillant avocat, Antoine Le Maistre, qui, en 1637, décida de se retirer dans la solitude. Son exemple fut suivi et une communauté d'un type nouveau se forma, celle des « solitaires de Port-Royal », qui s'établirent dans les locaux abandonnés de l'abbaye des Champs. Parmi les tâches que l'abbé fit remplir à ces disciples de choix, celle de l'éducation des enfants donna naissance aux « Petites Écoles », où s'illustra d'emblée un pédagogue éminent, Lancelot.
Cependant, l'abbé s'attirait de vives inimitiés. Richelieu ne lui pardonna pas d'avoir continué l'œuvre de son vieil adversaire Bérulle, et aussi, sans doute, d'avoir constitué, avec les solitaires, une équipe susceptible de le combattre par la plume. En 1638, Saint-Cyran fut enfermé au donjon de Vincennes. Les religieuses de Port-Royal ne furent pas inquiétées, mais les solitaires durent s'éloigner pour un temps.
Seule la mort de Richelieu permit à Saint-Cyran de recouvrer la liberté, en 1643. Mais ces cinq années de captivité avaient été les plus fécondes de sa carrière. Sa direction se poursuivait sous forme de lettres et grâce au prêtre qu'il avait désigné pour le remplacer à Port-Royal, Antoine Singlin. Quelques-unes des dames qu'il dirigeait s'établirent dans les dehors du monastère de Paris. Ses disciples, à Paris et en province, multipliaient son action.
Le plus doué de tous était le jeune frère de mère Angélique, Antoine Arnauld, déjà docteur de Sorbonne. Il publia, en 1643, La Fréquente Communion, sorte de synthèse de la doctrine spirituelle de son maître, qui obtint un succès considérable et détermina un mouvement de « conversion » qui devait atteindre un jour, à Rouen où elle demeurait, la famille Pascal. Mais l'abbé, épuisé par sa détention, mourut à la fin de cette même année.
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Écrit par
- Jean MESNARD : agrégé de l'Université, docteur ès lettres, professeur de littérature française à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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