POSITIVISME
Le rapport du positivisme aux sciences positives est fondamentalement affirmé par Littré et confirmé par Auguste Comte. Littré écrit dans son Dictionnaire de la langue française (1863-1870) : « Philosophie positive : se dit d'un système philosophique émané de l'ensemble des sciences positives ; Auguste Comte en est le fondateur ; ce philosophe emploie particulièrement cette expression par opposition à philosophie théologique et à philosophie métaphysique. » Pour Comte, la méthode commune aux sciences positives détermine la doctrine positiviste, compte tenu de cette science nouvelle venue qu'est la sociologie. Celle-ci renverse les perspectives de la classification des sciences jusque-là tenues sous l'empire des mathématiques. Parties de la mesure concrète, les mathématiques demeurent la science-modèle du passage du concret à l'abstrait, ce passage étant nécessaire à toute science dans ses données spécifiques. Ce qu'apporte la sociologie, c'est le point de vue social, qui désormais, pour Comte, est incontournable, tout le réel appréhendé par l'esprit humain étant nécessairement social. Notre entendement, en effet, dépend simultanément de l'histoire naturelle et de l'histoire sociale. Ainsi, la philosophie positive obéit à l'ascendant social et, en dernier ressort, il n'y a plus qu'une seule science, humaine ou sociale, « dont notre existence constitue à la fois le principe et le but, et dans laquelle vient naturellement se fondre l'étude rationnelle du monde extérieur, au double titre d'élément nécessaire et de préambule fondamental, également indispensable quant à la méthode et quant à la doctrine » (Discours sur l'esprit positif).
Le concept et la doctrine
D'une manière générale et en tant que concept, le positivisme caractérise une attitude épistémologique liée à la pratique des diverses méthodes scientifiques à la fois rationnelles et expérimentales. Le positivisme épistémologique exige, en premier lieu, que la science parte de faits observables et définis relativement à un observateur, puisque tout phénomène « consiste toujours en une relation déterminée entre un objet et un sujet » (Système de politique positive, I). Le positivisme trace la voie entre les deux écueils que sont l'objectivisme absolu, qui exagère l'indépendance de l'ordre naturel, et le subjectivisme absolu, qui rejette toute vie collective. Si l'ordre universel « était pleinement objectif ou purement subjectif, il serait, depuis longtemps, saisi par nos observations ou émané de nos conceptions » (op. cit., t. II). Hypothèses confirmées par l'observation, les lois réelles ou « faits généraux » procèdent du sujet (social) et de l'objet appréhendé comme fait particulier ou comme fait général (sa loi) par ce même sujet. Comme Hume, Comte écarte la recherche de la causalité.
En tant que doctrine, le positivisme étudie le passage de l'abstrait au concret, l'application de cette philosophie tirée des sciences positives sous l'ascendant de la sociologie : c'est ici que les vues d'Auguste Comte subissent de légères dérivations selon qu'on les considère au temps des « programmes » que celui-ci élabore sous l'égide de Saint-Simon et des « opuscules », par lesquels il prend la voie de la théorisation, ou au temps du Cours de philosophie positive (dans lequel il table sur les cinq sciences positives connues fondamentalement pour chercher les liaisons des unes avec les autres et en déduire l'espace blanc que confère l'histoire logique des sciences à la dernière venue, la sociologie) ou encore selon qu'on envisage le Système de politique positive et enfin la Synthèse subjective. Au-delà de la « crise » révolutionnaire, Comte songe à une société de consensus ouverte[...]
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Écrit par
- Angèle KREMER-MARIETTI : docteur d'État ès lettres et sciences humaines, maître de conférences de philosophie à l'université d'Amiens
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Médias
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