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POSSESSION

Observée dans des contextes culturels très divers, la possession par des entités divines – « esprits », « génies », etc. – est un phénomène social d'une grande fréquence, qui a suscité des interrogations et reçu des interprétations multiples. Une très vaste littérature a tenté de rendre compte de ce « fait social total », qui qualifie aussi bien les cultes dionysiaques grecs (le ménadisme notamment) que certains épisodes qui ont jalonné l'histoire du christianisme européen. Si la possession, dont les multiples manifestations se traduisent par une incertitude lexicale – transe, extase, démonisme, médiumnité, etc. –, a longtemps ressorti au domaine de la psychologie, où elle a été analysée en termes d'états dissociatifs, de perte de la conscience, de déstructuration psychique, etc., la manière dont l'étudie l'anthropologie contemporaine s'articule autour de questions différentes. Rarement équipés pour aborder de tels problèmes dans leurs dimensions physiologiques et psychologiques – quand ils ne sont pas nettement hostiles à l'usage de concepts psychologiques –, les anthropologues qui ont rencontré sur le terrain des phénomènes d'altérations codifiées de la personnalité se sont intéressés à ce qui, dans la possession, dépend à l'évidence d'un contexte culturel et social déterminé : l'appareil rituel et symbolique qui se trouve par là mis en œuvre, la position sociale de l'individu « possédé », les systèmes de causalités repérables et les modifications statutaires individuelles qui en résultent, la place, enfin, de la possession dans l'ensemble de l'organisation sociale du groupe. L'examen de ce dernier point conduit à des questions plus générales : de quelle manière s'opère ou échoue à s'effectuer l'insertion de la possession dans un cadre culturel socialement institutionnalisé ? Pour quelles raisons la possession demeure-t-elle un fait « marginal » ? Dans quelle mesure la possession de sous-groupes d'individus par des entités extra-humaines intéresse-t-elle, dans le cas d'un culte institué, l'ensemble de la communauté ou seulement le devenir biographique des possédés ?

Le christianisme et les possédés

La Bible et les Évangiles

On rencontre de nombreux exemples de possession diabolique dans les textes évangéliques. Des expulsions fréquentes de démons sont imputées à Jésus, soit dans les récits d' exorcismes proprement dits, soit dans les récapitulations significatives que l'on appelle « sommaires ». On repère dans ces passages un vocabulaire typique, des verbes comme « menacer » (épitimân), « se taire » (phimoun), « adjurer » (orkidzein), appartenant au langage des pratiques magiques familières au monde hellénistique de l'époque, attestées par des papyri. Le premier de ces termes, « menacer » (épitimân), renvoie – à travers une longue filière de récits bibliques qui monnaient à leur façon la lutte primordiale entre le Dieu suprême et le monstre marin (Genèse, i ; Exode, xiv ; Psaume CXIV, etc.) – aux fameux mythes de Babylonie ou de Canaan (à Ougarit, par exemple, Baal « menace » Yam, la Mer mythique, et est vainqueur). Il est à noter que le vocabulaire de la possession et de l'exorcisme se retrouve, dans les récits évangéliques, à propos de maladies personnifiées comme la lèpre (« elle le quitta »), ou encore de la mer déchaînée, calmée (« tais-toi ») comme un possédé. Cet aspect cosmique (ou mythique) de la possession est à mettre en liaison avec la qualité charismatique de la mission de Jésus et de ses Apôtres, dont les discours s'articulaient sur l'annonce du Royaume de Dieu : « Si c'est par l'Esprit de Dieu que je chasse les démons, c'est que le Royaume de Dieu est arrivé parmi vous » [...]

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Michel Leiris - crédits : M. Kalter/ AKG-images

Michel Leiris

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