POSSIBILISME, géographie
Une solution novatrice pour des débats récurrents
Du point de vue de ses fondements épistémologiques, le possibilisme vidalien s'ancre dans deux mouvements de pensée, d'ailleurs eux-mêmes parfois liés : le néolamarckisme et le néokantisme français. Le premier lui fournit les moyens de penser le milieu et son rôle, tandis que le second permet d'affiner la conception de la science et du sujet connaissant.
La réflexion sur le milieu se fait au contact des sciences naturelles et, par là, de l'évolutionnisme qui les travaille. On sait qu'à l'époque les interprétations divergent sur la conception de l'évolution. Vidal, quant à lui, va emprunter à Darwin sa vision du milieu et de son action comme quelque chose de complexe, de dynamique, de fragile, de contingent. Mais il puise aussi dans le néolamarckisme la conception des rapports entre un être et son milieu, où ces deux entités sont actives, en interaction réciproque, l'une pouvant modifier l'autre et inversement. Le milieu apparaît alors bien comme un moyen de l'action, et non comme simple support. Sa transformation permet d'envisager celle de l'être qui l'investit. Conforté par la lecture attentive que Vidal fait des recherches en écologie végétale, le possibilisme trouve là la légitimation épistémologique dont il avait besoin pour asseoir sa conception du milieu et de son rôle.
Mais encore plus profondément, le néokantisme fournit les fondements épistémologiques nécessaires, grâce aux multiples champs dans lequel il se déploie dans la seconde moitié du xixe siècle. À la suite notamment des philosophes Antoine Augustin Cournot, Jules Lachelier, Charles Renouvier et Émile Boutroux, le retour à Kant permet alors non seulement de souligner le rôle actif du sujet dans toute démarche de connaissance, mais aussi d'introduire une vision du monde où la contingence retrouve une place centrale. Ainsi le conventionnalisme de Pierre Duhem ou Henri Poincaré, selon lequel les théories scientifiques sont des « conventions », c'est-à-dire des compromis commodes entre catégories de l'entendement et données de l'expérience, permet de fonder une approche des rapports humains à la nature qui fait toute sa place à l'activité cognitive de l'homme. La problématique de l'émergence – de catégories, formes, idées, phénomènes – s'appuie alors, entre autres, sur l'initiative humaine et, de façon plus générale, sur la contingence, étant donné que celle-ci intervient sans contredire les déterminismes qu'expriment les lois scientifiques. C'est pourquoi l'approche possibiliste va privilégier l'analyse des enchaînements de causes et d'effets, avec une attention toute particulière aux phénomènes émergents. Face à un positivisme réducteur, ce possibilisme a jeté un regard neuf sur la question des rapports société-milieu et est resté ouvert à de nouvelles interrogations sur l'émergence et l'évolution créatrice, comme celles qu'a incarnées Bergson au xxe siècle et qu'ont reprises des géographes tels que Jean Brunhes ou Jean Gottmann.
En revanche, sous le double effet du déclin du néokantisme et du confinement conceptuel de la géographie suscité par Febvre, le possibilisme a été vidé de sa force épistémologique et théorique, au profit d'un simple antidéterminisme. Il faut aussi remarquer qu'il n'avait pas bénéficié à temps de l'instrumentalisation conceptuelle et méthodologique qui aurait pu le conforter. Il n'en demeure pas moins qu'aujourd'hui le possibilisme vidalien offre un cadre de réflexion et de recherche géographiques, notamment dans deux directions : d'une part dans les tentatives des sciences humaines pour renouer avec les sciences de la nature, d'autre part dans le regain d'intérêt des scientifiques pour la réflexivité, la part de créativité du sujet individuel,[...]
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Écrit par
- Vincent BERDOULAY : professeur, Laboratoire société-environnement-territoire, C.N.R.S. et université de Pau
- Olivier SOUBEYRAN : professeur à l'université de Grenoble-I, Institut de géographie alpine
Classification
Autres références
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DÉTERMINISME, géographie
- Écrit par Vincent BERDOULAY et Olivier SOUBEYRAN
- 1 562 mots
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