- 1. Naissance d'une littérature
- 2. Comment interpréter le terme « postcolonial » ?
- 3. Le début des littératures postcoloniales
- 4. Une culture du syncrétisme
- 5. Au carrefour du postcolonial et du postmodernisme
- 6. Les spécificités des littératures postcoloniales
- 7. Dépasser le postcolonial ?
- 8. Bibliographie
POSTCOLONIALES ANGLOPHONES (LITTÉRATURES)
Le début des littératures postcoloniales
Peu d'écrivains postcoloniaux véritablement originaux apparaissent avant les années 1930. L'Indien Mulk Raj Anand (1905-2004), disciple de Gandhi et pourfendeur du système des castes, dénonce, à travers une rhétorique aux accents parfois marxistes, les travers de la société traditionnelle dans son roman Untouchable (1935). Le Trinidadien Cyril Lionel Robert James (1901-1989) publie en 1938 The Black Jacobins (Les Jacobins noirs, 1984), étude historique centrée sur le personnage de Toussaint Louverture, qui dirigea la révolte des esclaves haïtiens en 1791. James bouleverse également la bonne conscience de la bourgeoisie antillaise avec son roman MintyAlley (1936) dont l'intrigue est située dans un bidonville. Cet écrivain marxiste va servir de modèle au Jamaïquain Roger Mais (1905-1955) lorsqu'il écrit son roman Brother Man (1954). Les nouveaux hommes de lettres antillais, parfois influencés par l'existentialisme, comme on le voit avec le roman The Children of Sisyphus (1964) du Jamaïquain Orlando Patterson (né en 1940), s'inspirent cependant souvent aussi du mouvement de la Renaissance de Harlem, qui célèbre les valeurs culturelles noires.
Dans la Caraïbe et dans les ghettos nord-américains, des descendants d'esclaves jettent un regard nostalgique sur leurs racines perdues. Marcus Garvey entreprend de « rapatrier » vers l'Afrique tous les candidats au « retour ». L'utopie s'effondre avec la faillite dans les années 1920 de la Black Star Line, compagnie maritime fondée par Garvey pour ramener les Noirs « chez eux ». Cet échec tend à démontrer que, comme le dit un personnage de Sardines (1981), roman du Somalien Nuruddin Farah (né en 1945), « la culture n'est pas un réverbère auquel on peut revenir ».
Dans les années 1930, à la suite de sa compatriote Katherine Mansfield, le Néo-Zélandais Frank Sargeson (1903-1982) emprunte le genre de la nouvelle pour mettre en scène des personnages de chômeurs ou d'ouvriers agricoles encore jamais représentés en littérature. Adoptant une forme extrêmement concise, Sargeson ne fait que laisser entrevoir à son lecteur les émotions violentes mais pudiques que cachent les échanges verbaux laconiques entre personnages aux compétences langagières limitées. S'inspirant de Sherwood Anderson et du nouvelliste australien Henry Lawson, Sargeson donne ses premières lettres de noblesse à l'anglais populaire néo-zélandais. En 1954, il met à disposition de Janet Frame (1924-2004) un endroit où vivre et écrire après sa sortie d’hôpital psychiatrique. Dans The Lagoon and Other Stories (1951; Le Lagon et autres nouvelles, 2006), Frame exploite elle aussi la forme de la nouvelle, parfois réduite à une ou deux pages, pour donner voix à des personnages vulnérables.
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Écrit par
- Jean-Pierre DURIX : professeur émérite, université de Bourgogne, Dijon
- Vanessa GUIGNERY : habilitée à diriger des recherches en études anglophones, professeure des Universités à l'École normale supérieure de Lyon
Classification
Médias