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POSTCOLONIALES FRANCOPHONES (LITTÉRATURES)

La notion de postcolonial

Avec le postcolonialisme, il s’agit moins de présenter un concept historique qu’une théorie et une critique de la littérature renvoyant aux lettres naissant dans un contexte marqué par la colonisation. On distingue donc ici « post-colonial », qui désigne le fait d’être postérieur à la période coloniale, et « postcolonial », qui se réfère à des pratiques de lecture et d’écriture intéressées par les phénomènes de domination, et plus particulièrement par les stratégies textuelles de mise en évidence, d’analyse et d’esquive des idéologies impérialistes. Une situation d’écriture, avec ses présupposés et ses options formelles, est envisagée, et non plus seulement une position sur l’axe du temps. Comme l’affirment les pionniers des études postcoloniales, les universitaires australiens Bill Ashcroft, Gareth Griffiths et Helen Tiffin : « Ce que ces littératures ont en commun au-delà des spécificités régionales, est d’avoir émergé dans leur forme présente de l’expérience de la colonisation et de s’être affirmées en mettant l’accent sur la tension avec le pouvoir colonial, et en insistant sur leurs différences par rapport aux assertions du centre impérial. »

Différents modes d’écriture sont considérés. D’abord polémiques à l’égard de l’ordre colonial, ils se caractérisent ensuite par le déplacement, la transgression, le jeu, la déconstruction des codes européens – en particulier des formes totalisantes propres à l’historicisme occidental – tels qu’ils ont cherché à s’affirmer dans la culture concernée.

Le postcolonialisme trouve ses origines dans le questionnement des générations venant après les indépendances : des immigrants issus de régions naguère colonisées, inscrits dans les universités et les collèges des États-Unis et du Royaume-Uni, commencent à formuler des interrogations liées à leur histoire. Ces intellectuels étaient postcoloniaux en un triple sens : ils étaient nés dans des sociétés du Sud exposées aux reconfigurations épistémologiques induites par l’hégémonie européenne, étaient précocement occidentalisés et cherchaient à refonder, depuis l’Occident, un ordre dans lequel ce même Occident n’occuperait plus une position centrale. Leur prise de parole et l’émergence d’œuvres littéraires issues de leurs pays vont attirer l’attention des universitaires sur le fait que la plupart des histoires littéraires en Occident impliquaient une définition européocentrique de la littérature. En même temps, ils mettent en évidence la singularité des littératures émergentes du Sud par rapport au canon occidental, ce qui aboutit à l’identification d’un corpus littéraire postcolonial. Dans l’espace francophone, des intellectuels et des écrivains issus de toutes les parties de l’ex-empire vont accomplir un travail identique de rénovation de l’histoire littéraire. Ils ont été aidés en cela par des précurseurs.

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Écrit par

  • : professeur de littératures francophones et de littérature comparée, université Paris-Nanterre, membre de l'Institut universitaire de France

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Médias

Léopold Sédar Senghor au Conseil de l'Europe (Strasbourg, 1949) - crédits : Felix Man/ Picture Post/ Hulton Archive/ Getty Images

Léopold Sédar Senghor au Conseil de l'Europe (Strasbourg, 1949)

Aimé Césaire - crédits : Sergio Gaudenti/ Sygma/ Getty Images

Aimé Césaire

Édouard Glissant - crédits : Ulf Andersen/ Getty Images

Édouard Glissant