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POSTCOLONIALES FRANCOPHONES (LITTÉRATURES)

Débuts des littératures francophones postcoloniales

Aimé Césaire - crédits : Sergio Gaudenti/ Sygma/ Getty Images

Aimé Césaire

C’est à la fin des années 1930, dans le milieu des étudiants d'origine africaine ou antillaise à Paris, que se cristallise la notion de négritude. Ce mouvement manifeste le rejet du projet colonial visant à transformer les colonisés africains en « Français noirs ». Chez le Martiniquais Aimé Césaire (1913-2008), elle procède aussi de la prise de conscience de la dénégation séculaire opposée par le système esclavagiste à l'humanité de l'homme noir. Le mot « nègre », chargé de l'opprobre raciste, est repris et glorifié pour cette raison même (Cahier d'un retour au pays natal, 1939 pour la première version). Les écrivains des colonies françaises se trouvent alors confrontés au sentiment d'une perte d'identité. Jean Amrouche (1906-1962), né dans l'une des rares familles algériennes converties au christianisme, trace dans son essai L'Éternel Jugurtha (1946) un portrait de l'homme maghrébin, qui a su adopter les mœurs et la langue des autres tout en restant fidèle « à sa vraie patrie, où il entre par la porte noire du refus ».

La poésie de la négritude, révélée à un large public avec l'Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française publiée en 1948 par Léopold Sédar Senghor (1906-2001), pour le centième anniversaire de l'abolition de l'esclavage, se présente d'abord, sous le signe d'Orphée, comme une poésie de résurrection. « Orphée noir » est le titre de la préface de Jean-Paul Sartre, qui le commente ainsi : « Il s'agit donc pour le noir de mourir à la culture blanche pour renaître à l'âme noire. »

La poésie a été la forme littéraire privilégiée de la négritude, mais le roman a été le genre de la prise de conscience avant la période de la décolonisation. Si l'autobiographie romancée du Guinéen Camara Laye, L'Enfant noir (1953), a été accusée par la revue Présence africaine (fondée en 1947 et devenue l'organe du mouvement de la négritude) de présenter un tableau idyllique de la vie africaine sous la colonisation, les romans de Mongo Beti (Le Pauvre Christ de Bomba, 1956), Ferdinand Oyono (Une vie de boy, 1956), Bernard Dadié (Climbié, 1956), Sembène Ousmane (Les Bouts de bois de Dieu, 1960), Olympe Bhely-Quénum (Un piège sans fin, 1960) entreprennent de dénoncer la situation coloniale et d'exalter des valeurs propres à la vie africaine. Au Maghreb, Nedjma (1956), l’œuvre hors-norme de Kateb Yacine (1929-1989), brosse le portrait d’une Algérie aliénée par le colonialisme. Cette première génération visait sans doute un lectorat plus européen qu'africain, mais leurs œuvres ont été vite inscrites aux programmes scolaires des pays nouvellement indépendants pour devenir les premiers « classiques » de la littérature africaine moderne.

Avec les décolonisations, la littérature coloniale appartient définitivement au passé tandis que s’affirme la notion de littératures francophones : des littératures distinguées de la tradition littéraire française dont beaucoup naissent dans d’ex-colonies. Elles sont post-coloniales, et très souvent aussi postcoloniales dans la mesure où elles s’efforcent de déjouer les schémas impérialistes. Élaborées « dans la gueule du loup », selon l’expression de Kateb Yacine, elles contrecarrent les visées hégémoniques des colonisateurs dans leur propre langue et affirment des spécificités culturelles ignorées ou niées par le système colonial. La volonté d’échapper au centralisme littéraire français, le refus de la vision exotisante européenne, l’expression d’une conscience nationale en formation après l’indépendance, enfin la réponse à l’internationalisation croissante de la vie littéraire vont nourrir une remarquable diversité littéraire francophone postcoloniale.[...]

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Écrit par

  • : professeur de littératures francophones et de littérature comparée, université Paris-Nanterre, membre de l'Institut universitaire de France

Classification

Médias

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