SIMMONDS POSY (1945- )
Article modifié le
Grâce à Gemma Bovery (1999), la bande dessinée a cessé d’être considérée au Royaume-Uni comme un sous-genre littéraire. Son auteure, la dessinatrice de presse, illustratrice et écrivaine anglaise Posy Simmonds, avait impressionné les critiques : l’œuvre s’inspirait subtilement d’un classique de la littérature et tenait à la fois de la bande dessinée et du roman illustré. Tamara Drewe (2007) et Cassandra Darke (2018) ont suivi, avec les mêmes caractéristiques narratives, constituant ainsi une trilogie, désormais reconnue par la culture officielle.
Un insolent brouillage des genres
Rosemary Elizabeth – dite « Posy » – Simmonds est née le 9 août 1945 à Cookham Deane, près de Maidenhead, dans le Berkshire. Après des études de français à la Sorbonne et de dessin à la Central School of Art de Londres, elle devient dessinatrice de presse en 1968 et commence, en 1972, une longue collaboration avec le quotidien The Guardian. Elle y crée, en 1977, la bande dessinée The Silent Three of St Botolph’s, dont l’un des personnages est un professeur de sociologie, George Weber. Posy Simmonds s’y moque – ce qui sera récurrent dans ses œuvres – des milieux « intellectuels de gauche », qui constituent la majeure partie du lectorat du journal. On peut voir dans ce paradoxe l’influence de Claire Bretécher, qui dessinait alors Les Frustrés dans Le Nouvel Observateur. En 1981 paraît True Love, parodie des histoires sentimentales en vogue chez les adolescentes. Parallèlement à ces séries destinées à des adultes, Posy Simmonds publie des livres pour les tout-petits. Le plus connu, Fred (1987), adapté en film d’animation par Joanna Quinn (Famous Fred, 1996), et publié en français sous le titre La Fabuleuse Vie secrète de Fred, a pour protagoniste un chat qui mène le jour une vie paresseuse, mais se transforme la nuit en star du rock.
Gemma Bovery paraît en feuilleton à partir de 1997 dans The Guardian, puis en 1999 en volume chez Jonathan Cape, un éditeur de renom. Des critiques évoquent William Hogarth ; l’hebdomadaire américain Newsweek regrette que le livre n’ait pas été sélectionné pour le Booker Prize. En France, il est publié en 2000 chez un autre éditeur généraliste, Denoël.
L’œuvre est particulièrement novatrice dans la forme. Posy Simmonds joue des diverses relations possibles entre texte et dessins : roman illustré, histoire en images, bande dessinée au sens strict (cases juxtaposées avec des dialogues dans des bulles). Pour chaque séquence, elle choisit la solution qui lui semble la plus adaptée, n’hésitant pas à recourir à ces différents modes de narration dans une même page. Le texte présente également différents points de vue. Le narrateur est généralement l’un des personnages principaux, mais Posy Simmonds intervient parfois en tant que narratrice omnisciente.
L’intrigue, relatant l’itinéraire sentimental d’une jeune Anglaise qui s’installe dans un village normand, entretient un lien évident avec le roman de Gustave Flaubert Madame Bovary (1857). Dans Gemma Bovery, on retrouve en effet, transposés à la fin du xxe siècle, les grands traits de la vie d’Emma Bovary, mais cet aspect n’est pas fondamental, car le récit se suffit à lui-même. Toutefois, il s’agit moins d’une énième variation sur le mythe d’Emma Bovary que d’un exemple singulier de ce genre littéraire où des Français anglophiles, comme Pierre Daninos dans Les Carnets du major Thompson (1954), et des Britanniques francophiles, tel Peter Mayle, auteur d’Une année en Provence (1989), dissertent avec humour sur les différences entre les deux pays.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Dominique PETITFAUX : historien de la bande dessinée
Classification
Média
Autres références
-
BANDE DESSINÉE
- Écrit par Dominique PETITFAUX
- 22 929 mots
- 16 médias
... L’illustrateur Raymond Briggs (1934-2022) rend un hommage ému à ses parents et, au-delà, à la classe ouvrière britannique dans Ethel & Ernest (1998). Gemma Bovery (1999), de Rosemary Élisabeth « Posy » Simmonds, est une fiction pleine d'humour sur les mœurs contemporaines, avec des clins d’œil... -
ROMAN GRAPHIQUE
- Écrit par Dominique PETITFAUX
- 2 245 mots
- 2 médias
...dessinée et roman graphique qui est devenue de plus en plus floue, mais aussi celle entre roman graphique et histoire illustrée. Dès 1999, la Britannique Posy Simmonds mêlait judicieusement ces deux genres dans Gemma Bovery, transposition brillante du roman de Flaubert. Certains romans graphiques didactiques,...