POUILLES
Renaissance et baroque
En cinq cents ans, la politique des rois de Naples, Angevins, Aragonais ou Bourbons, ne varie guère à l'égard de cette région, exclue des grandes voies de communication désormais tournées vers l'Occident après la chute de Constantinople et la découverte de l'Amérique. Les habitants des Pouilles réagissent par une attitude de méfiance à l'égard de la capitale à laquelle ils préfèrent, pour le commerce comme pour les arts, Venise et les cités des deux bords de l'Adriatique. De Venise, ils font venir, jusqu'à la fin du xvie siècle, des peintures de prix pour les églises et les couvents : œuvres de Vivarini, de Giovanni Bellini, de Palma le Jeune, de Pâris Bordone. Architectes et sculpteurs dalmates élèvent la cathédrale de Mola et reconstruisent celle de Gravina ; le long de l'Adriatique descendent des peintres tels que Constantin de Forli dit de Monopoli et Jean Charlier, surnommé Giovanni di Francia, qui demeurent de longues années dans les Pouilles. De la basse Adriatique, d'Orient arrivent enfin les derniers peintres byzantins qui ont fui de Crète devant les Turcs et qui installent leurs ateliers dans certaines villes, telles Otrante ou Barletta : ce sont Giovanni Maria Scupula, Donato et Angelo Bizamano.
Dans ce contexte, le séjour en terre de Bari de peintres provenant d'autres régions, tels Gaspar Hovic, Flamand, le Romain Andrea Bordone, et cette figure mystérieuse qui se cache sous le monogramme ZT, peut être considéré comme un fait isolé au xvie siècle.
Les liens avec la capitale sont entretenus par les religieux franciscains ou dominicains et leurs protecteurs napolitains fixés sur leurs terres des Pouilles, qui se comportent en véritables mécènes. C'est le cas des Orsini de Galatina qui, entre la fin du xive siècle et les premières décennies du xve siècle, font construire et décorer de fresques l'église Sainte-Catherine ; des De Balzo de Andria qui appelèrent à leur cour, au xve siècle, Francesco Laurana et un grand peintre napolitain encore inconnu, auteur d'un diptyque de la cathédrale ; des Orsini de Gravina dont la cour rayonnera jusqu'au xviiie siècle ; enfin des Acquaviva d'Aragona qui, du xve au xviie siècle, feront de Conversano un centre artistique et culturel de première importance. Ce n'est qu'au xviie siècle que la culture artistique des Pouilles pourra être tenue pour totalement napolitaine. Non seulement des tableaux acquis pour les églises, des peintres appelés aux cours seigneuriales (Paolo Finoglio à Conversano, Francesco Guarino et Angelo Solimena à Gravina) arrivent à Naples, mais encore de nombreux jeunes gens vont y compléter leur éducation, et deviendront des figures actives dans l'histoire de la peinture méridionale : Francesco et Cesare Francanzano, Bartolomeo Passante, Luca Giordano et, au xviiie siècle, Corrado Giaquinto. L'architecture et la sculpture, qui avaient été un temps les arts par excellence des Pouilles, sont en revanche d'allure beaucoup plus modeste et provinciale.
Mais, dans ce domaine, le Salento, traditionnellement exclu de l'histoire des Pouilles continentales, prend alors sa revanche. Entre la fin du xvie siècle et celle du xviiie siècle, il est le théâtre d'un phénomène extraordinaire, nommé le barocco leccese, qui reste étranger au baroque à la romaine. C'est une orgie de fastueuse décoration, pleine de fantaisie et de vitalité, qui revêt les façades et les autels des églises élevées par des architectes renommés, tels Cino, Zimbalo, et qui est surtout effectuée pour le compte des grands ordres réformés, Jésuites, Théatins, Hiéronymites ; il décore les portails des palais seigneuriaux, les balcons de pierre turgescente, les fenêtres précieusement encadrées comme des miroirs. Dans cette efflorescence se mêlent des éléments espagnols, napolitains, siciliens et[...]
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Écrit par
- Pina BELLI D'ELIA : directeur de la pinacothèque de Bari
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