POUR LA RÉUSSITE DE TOUS LES ÉLÈVES (C. Thélot)
Est-ce une tradition française ou simplement un mode de légitimation des décisions politiques dans un État moderne et démocratique ? Il se trouve qu'une longue liste de rapports sur l'école, son état, son devenir et ses problèmes jalonne l'histoire des réformes scolaires en France. Depuis le plan Langevin-Wallon de 1946-1947, resté pratiquement lettre morte, réédité et commenté en 2004 (F. Dubet, P. Meirieu, C. Allègre, Mille et Une Nuits, 2004), et le rapport Thélot (Pour la réussite de tous les élèves, Rapport de la commission du débat national sur l'avenir de l'école, La Documentation française, 2004, rendu public le 12 octobre), le pays ne compte plus les commissions d'experts qui font périodiquement le bilan de son système éducatif, posent les problèmes majeurs et dessinent les orientations à venir.
On aurait pourtant tort de croire que l'histoire n'est ici que répétition, car les évolutions sont réelles et soulignent les transformations du débat public comme de la réflexion sur l'école. Sur le débat public, il faut noter que l'on ne se contente plus de l'avis d'experts. La base de réflexion est toujours le débat lui-même, par la consultation des acteurs de l'école (comme pour la consultation Meirieu de 1998), ou encore au moyen d'auditions nombreuses et rendues publiques (le rapport Stasi sur la laïcité), dont le but avoué est de donner la parole aux principaux intéressés : enseignants, parents, élèves, associations… Le rapport Thélot était le fruit de cette évolution, car il s'appuyait sur les résultats d'un grand débat national sur les problèmes et l'avenir de l'école, organisé à l'automne de 2003, ainsi que sur « le savoir de spécialistes du système éducatif et l'expérience de ses acteurs ».
On peut toujours discuter de l'usage qui est fait de ces consultations : réelle prise en compte de la parole des acteurs sociaux pour certains, concession excessive aux groupes d'intérêt et démagogie grossière pour d'autres. Il n'empêche, ces procédures fondées sur le débat montrent un nouveau regard sur les modalités de la légitimité politique : les « experts » et les « décideurs » ne constituent qu'une voix parmi d'autres et, sur un sujet comme celui de l'école, on ne peut plus produire de réflexion sans faire référence directement aux expériences de chacun.
Quel était le propos du rapport Thélot ? Il s'agissait d'abord d'expliciter les principes de base de l'école pour définir ensuite les moyens de les réaliser. Du côté des principes, l'idée est qu'une école juste, moderne et démocratique doit permettre « la réussite de tous les élèves ». Ce principe signifie que l'école « arme tous les élèves et les futurs citoyens de connaissances, de compétences et de règles de comportement jugées aujourd'hui indispensables à une vie sociale et personnelle réussie ». La question est donc bien de savoir comment, à partir d'un public d'élèves socialement inégaux et différents quant à leurs potentialités de réussite, l'école peut garantir la réussite de tous. Trois axes principaux furent retenus pour relever ce défi.
D'abord, définir un « socle commun » de connaissances que chacun doit acquérir jusqu'à la fin du collège. C'est une des conditions de l'égalité des chances. Toutefois, si « la maîtrise du socle doit être une priorité », il ne s'agit pas d'en faire le seul enseignement du collège. « Des enseignements complémentaires différenciés seront proposés, qui permettront à chaque élève d'aborder et d'approfondir les matières choisies en fonction de ses intérêts et de ses aptitudes ». En d'autres termes, il n'est légitime de différencier l'enseignement au collège qu'à condition de garantir aux plus faibles –[...]
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Écrit par
- Georges FELOUZIS : professeur de sociologie à l'université de Bordeaux-II-Victor-Segalen