POUR UN OUI OU POUR UN NON (N. Sarraute) Fiche de lecture
Pour un oui ou pour un non est une pièce de théâtre de Nathalie Sarraute (1900-1999). Créée pour la radio en décembre 1981, publiée en 1982 aux éditions Gallimard, elle ne sera montée pour la première fois qu'en 1985, en anglais, à New York, et créée en français l'année suivante, au théâtre du Rond-Point (Paris), dans une mise en scène de Simone Benmussa, avec Sami Frey et Jean-François Balmer. La pièce – la sixième de l'auteure – obtient un très grand succès et sera jouée plus de six cents fois. Elle a également fait l'objet, en 1988, d'un film de Jacques Doillon, avec Jean-Louis Trintignant et André Dussolier.
« Un combat sans merci »
Pour un oui ou pour un non ne comporte ni actes ni scènes, et ne représente ni actions ni véritable intrigue. Si l'on excepte la brève et presque muette intervention de deux voisins convoqués comme « témoins », il s'agit d'un dialogue entre deux « amis de toujours », désignés, de la manière la plus neutre possible, par H1 et H2 (H pour « homme »). À travers un échange de répliques brèves, ponctuées d'hésitations et de silences, les deux personnages se disputent – sans violence – sur le sens de leur amitié, et, plus largement, sur leurs personnalités et leurs valeurs, qui s'opposent.
H1 rend visite à H2. Il veut savoir pourquoi ce dernier s'est éloigné de lui depuis quelque temps, comme s'il lui en voulait. H2 commence par nier puis, sur l'insistance de H1, finit par reconnaître qu'en effet, il s'est passé quelque chose, « juste des mots ». Comme il s'était risqué à se vanter d'un « succès dérisoire », H1 aurait prononcé cette phrase apparemment anodine : « C'est bien... ça... », sur un ton interprété par H2 comme condescendant. Conscient de l'apparente disproportion entre le fait et sa conséquence, H2, qui sait avoir la réputation d'être quelqu'un qui rompt « pour un oui ou pour un non », se défend, et sollicite même l'avis d'un couple de voisins, perplexe. Après leur départ, les deux amis poursuivent leur dispute et s'accablent réciproquement de reproches. Au mépris supposé de H1, celui-ci oppose la jalousie de H2. Les désaccords se précisent, le conflit se focalise bientôt sur la question du bonheur. Accusé à mots couverts par H2 de conformisme bourgeois, H1 s'apprête à sortir, et s'arrête un instant devant la fenêtre pour contempler la rue. Ému, H2 s'adresse à lui avec tendresse et prononce notamment ces mots : « La vie est là... » S'emparant de ce qui s'avère être une citation de Verlaine (« La vie est là, simple et tranquille »), H1 accuse cette fois H2 d'afficher une certaine supériorité dans un domaine qui lui est familier, celui de la poésie et de la culture en général. L'affrontement reprend de plus belle : « Entre nous, il n'y a pas de conciliation possible. Pas de rémission... C'est un combat sans merci. Une lutte à mort. » Chacun renvoie l'autre à son « camp » : du côté de H1 (le « bourgeois »), la réussite, la stabilité, une certaine normativité ; du côté de H2 (l'« artiste »), l'échec social, le doute et une forme de marginalité. Cependant, le dénouement n'est pas celui qu'on attendrait : bien que les positions paraissent irréconciliables, tous deux s'accordent au moins sur l'impossibilité de justifier une rupture définitive. Ils ouvrent ainsi la voie à une querelle sans fin.
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Écrit par
- Guy BELZANE : professeur agrégé de lettres
Classification
Média