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POUR UNE APPROCHE COGNITIVE DES CONVENTIONS ÉCONOMIQUES, André Orléan Fiche de lecture

Individualisme méthodologique et rationalité limitée : une remise en cause de la coordination par les marchés walrassiens

Deux questions sont finalement posées par l'économie des conventions : le postulat de la rationalité substantielle (en termes de maximisation d'un résultat ex ante) peut-il garder toute sa cohérence dans un contexte d'incertitude ? Le système de coordination par les prix de marché est-il approprié en situation d'incertitude ? La réponse des conventionnalistes repose sur trois piliers : un individualisme méthodologique reformulé, une rationalité limitée et procédurale, une coordination « institutionnelle ».

Le recours à une convention comme mécanisme de coordination n'est pas de nature à remettre en cause le postulat d'individualisme – cette continuité affirmée pose d'ailleurs la question du statut relatif de l'économie des conventions par rapport à la théorie standard. Les conventions, à l'origine des institutions, émanent des individus mais s'imposent à eux en retour : « La convention doit être appréhendée à la fois comme le résultat d'actions individuelles et comme un cadre contraignant les sujets. » S'inspirant à la fois des travaux de Herbert Simon et ceux d'Oliver Williamson, l'économie des conventions adopte une rationalité « limitée » et « procédurale » : les agents ne peuvent pas optimiser ex ante le résultat de leurs décisions. Une décision est prise, non parce qu'elle est la plus satisfaisante en termes de résultats attendus, mais parce que la procédure utilisée est considérée comme la meilleure possible. Dans ce contexte, les conventions, par leur contenu prescriptif, assurent la fonction de coordination d'intérêts contradictoires. La coordination peut alors revêtir différentes formes (coutume, médiation, arrangement, relation d'autorité). Dans l'approche conventionnaliste, le problème de la coordination des plans des agents ne peut être entièrement résolu par le rapport d'échange, tel qu'il se trouve défini au moment de la signature du contrat. Si l'article d'André Orléan se focalise sur la convention financière, l'économie des conventions s'étend aux conventions du travail (Robert Salais) ou encore aux déterminations de la qualité des biens (François Eymard-Duvernay).

Comme d'autres hétérodoxies à la même époque – la théorie de la régulation, par exemple – l'économie des conventions cherche une voie autre que celle du paradigme dominant (la théorie néo-classique formalisée par Kenneth Arrow et Gérard Debreu où la rationalité est réduite à l'optimisation sous contraintes et la coordination réduite aux prix de marché). Pour reprendre la typologie proposée par Olivier Favereau, l'économie des conventions ferait partie de la « théorie standard élargie » en abordant les formes de coordination organisationnelle, y compris hors marché, mais s'en distinguerait en intégrant l'hypothèse de rationalité limitée. Contrairement à la théorie de la régulation, l'économie des conventions reste essentiellement au niveau microéconomique et propose de déduire d'une axiomatique préalable un ensemble de conclusions logiques, mais ses démonstrations procèdent parfois par succession d'exemples, limitant ainsi leur pouvoir explicatif. La dissolution des règles contractuelles dans un objet générique (la convention) très large perd aussi en précision. Toutefois, les recherches des conventionnalistes se poursuivent pour affiner les contours de ce concept, et étendre leur réflexion au niveau macroéconomique.

— Annie SORIOT

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Écrit par

  • : chercheur au G.R.E.S.E. (Groupe de recherches épistémologiques et socio-économiques), université de Paris-I-Panthéon-Sorbonne

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