POURQUOI ÉCRIRE ? (P. Roth) Fiche de lecture
Conçu par Philip Roth à la manière d’un testament littéraire et publié en 2017 aux États-Unis, Pourquoi écrire ? (trad. de L. Bitoun, M. et P. Jaworski et J. Kamoun, Folio, Gallimard, 2019) rassemble ses analyses et confidences d’écrivain, débarrassées « des déguisements et des inventions et des artifices du roman. » Les essais couvrent ainsi un large champ, éclairant dans un premier temps le travail méticuleux de Roth, les écarts qui existent entre l’écriture et la réception d’une œuvre, avant de passer à une conversation avec ses pairs contemporains, pour s’achever par des « Explications », titre de la troisième partie de l’ouvrage. Auteur de trente et un livres, Philip Roth a composé ainsi, un an avant sa mort, une somme hybride et captivante qui intègre deux recueils antérieurs, Du côté de Portnoyet Parlons travail (publiés en 1975 et 2001 aux États-Unis), auxquels l’écrivain ajoute un florilège de discours, d’entretiens et d’articles des années 1992 à 2014. Ils donnent la mesure de son talent de polémiste et de son appétit de lecteur, comme de son goût pour le « chamboulement du passé attesté ».
Exégète de soi-même
Le titre même du livre – Pourquoiécrire ? – va bien au-delà de la simple recherche d’une causalité. Il implique un tourment, une immense ambition à la fois artisanale et spéculative afin d’honorer « les rigoureuses exigences de la littérature ». On y reconnaît le penchant de Philip Roth pour l’amalgame de commentaires de ses œuvres, de faits et conflits de sa vie personnelle, de spéculations sur une Amérique imaginaire, tous ces éléments se voyant entraînés dans une relation mouvante et un libertinage ludique. Tant et si bien que l’inventaire choisi des amitiés et des réactions d’ordre littéraire ou religieux qui ont jalonné sa longue carrière fait ici office d’archives et façonne une démarche originale, émouvante, dans une mise à nu quasi sacrificielle.
Souvenirs d’enfance, années de collège, évocation de ses parents, de ses navettes entre Londres, l’Italie, l’Europe de l’Est, Israël et le Connecticut, voici autant d’arrière-plans qui donnent de la substance aux curiosités successives de l’écrivain et dessinent les fragments d’une biographie. Et comme si certains malentendus ou succès de scandale persistaient encore, la reprise des commentaires portant sur ses propres romans, dont le célèbre et controversé Portnoy et son complexe(1969), Tricard Dixon et ses copains(1971), Le Grand Roman américain (1973) ou Ma vie d’homme (1974) attestent de la volonté tenace de Roth, au seuil de la postérité, de se faire bien comprendre.
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Écrit par
- Liliane KERJAN : professeure des Universités
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