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POUVOIR (notions de base)

La question de la légitimité

Les arguments analogues à ceux d’Étienne de La Boétie supposant une soumission volontaire de ceux qui obéissent ne manquent donc pas. On a voulu voir au xxe siècle, dans les régimes totalitaires qui se sont succédé, des preuves du caractère erroné de cette thèse. Hannah Arendt les a formellement contestées, affirmant qu’« il n’y a jamais eu de gouvernement qui soit exclusivement fondé sur l’emploi des moyens de la violence » (Du mensonge à la violence). Hannah Arendt rejoint ainsi Rousseau qui, le premier, montra dans le chapitre « Du droit du plus fort » de son Contrat social que les forts trompent les faibles en donnant une apparence de légitimité à leur pouvoir. Ce ne serait donc pas à la force que céderaient les dominés, mais au Droit. Ils cèdent à un pseudo-droit, sans doute, à « une force déguisée en droit », mais ils ne se soumettent pas à la force. Hannah Arendt poursuit sa démonstration en distinguant justification et légitimation : « Le pouvoir peut se passer de toute justification du fait qu’il est inséparable de l’existence des communautés politiques ; mais ce qui lui est indispensable, c’est la légitimité » (Du mensonge à la violence), avant de résumer ainsi sa thèse : « Tout pouvoir est de consentement. »

Selon les époques, la notion de légitimité a pris des formes diverses. La légitimité se rapporte à la qualité de la décision du dominant qui paraît incontestable en fonction de différents paramètres. C’est ainsi qu’on a pu observer, dans les sociétés anciennes qualifiées de « traditionnelles » par Max Weber, la puissance de ce qui est sacralisé par le temps. La tradition rassemble « des coutumes sanctifiées par leur validité immémoriale et par l’habitude enracinée en l’homme de les respecter » (Le Savant et le politique, 1919). Plus tard est apparu un type de pouvoir différent, dénommé « charismatique » par Max Weber. La légitimité ne repose plus alors dans l’ancienneté des coutumes, mais dans l’aura particulière dont dispose un chef doté d’une autorité exceptionnelle. Le charisme est l’« autorité fondée sur la grâce personnelle et extraordinaire d’un individu ». Le troisième type de légitimation de la décision est le seul à pouvoir être qualifié de « rationnel ». Il apparaît avec les sociétés démocratiques modernes, structurées par des règles de droit qui encadrent le processus de décision. C’est le règne de la « légalité » définie par Max Weber comme la « croyance en la validité d’un statut légal et d’une “compétence” positive fondée sur des règles établies rationnellement ».

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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