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PRADIER JEAN-JACQUES dit JAMES (1790-1852)

Sculpteur d'origine suisse. Né à Genève (alors ville française), mort à Paris, James Pradier se rattache à divers milieux artistiques du xixe siècle : Paris, la province française et Genève. Venu en France en 1807, lauréat du grand prix de Rome en 1813, il fut élu en 1827 membre de l'Académie des beaux-arts. Il enseigna à l'École des beaux-arts. Ainsi, bien introduit dans les circuits officiels de l'art, il bénéficia de fréquentes et importantes commandes gouvernementales et privées : Monument au duc de Berry (cathédrale de Versailles), Renommées (Arc de triomphe de l'Étoile), douze Victoires du tombeau de Napoléon (Invalides), fontaine (Nîmes).

Pradier donne l'image d'un sculpteur à succès que l'on considéra souvent comme un solliciteur trop empressé et comme un artiste au talent superficiel et facile. Mais Flaubert, qui le connut bien, portait sur Pradier quelques jours après sa mort ce jugement pertinent : « Il avait peu le sens critique [...]. Sur son art même, je n'ai pu jamais en rien tirer, ce qui le rend supérieur à mes yeux, car c'était un homme d'instinct. »

Les succès mondains de Pradier furent nombreux car il se trouva en rapport avec tous les littérateurs et artistes qui fréquentèrent les cénacles du romantisme. C'est dans son atelier que Flaubert rencontra Louise Colet en 1846 ; treize ans plus tôt, en 1833, Juliette Drouet, liée avec Pradier dès 1826, y avait rencontré Victor Hugo. Cultivant les critiques, qui le servirent beaucoup, soucieux de mener une existence aisée, Pradier représente une catégorie particulière de sculpteur. Formé à la discipline de l'art néo-classique qui règne sur la sculpture au début du siècle, il en infléchira l'austérité, dès 1818, dans le sens d'une célébration appuyée du nu féminin. Cet aspect de son art lui assura une réussite artistique et sociale durable. Sa Nymphe de 1818, au musée de Rouen, inaugure une longue série de représentations féminines dans lesquelles l'identité du personnage mythologique ou historique n'est qu'un prétexte. Dans l'étude directe et inquisitrice qu'il fait du corps féminin, Pradier exploite un domaine ouvertement érotique. Tout en prêtant à ses statues des poses et une gestuelle rappelant l'antique, Les Trois Grâces (Louvre), Cassandre (musée Calvet, Avignon), Phryné (musée des Beaux-Arts, Grenoble), Nyssia (musée des Beaux-Arts, Montpellier), Chloris (musée des Augustins, Toulouse), il leur donne des proportions pleines et un modelé suggestif qui témoignent du culte empressé qu'il porte à la femme moderne. En cela son art, bien qu'il ait rappelé à ses contemporains certains traits de l'art grec, se rattache à la conception réaliste qui s'affirme dans les années 1850. Pradier se rapproche des artistes que leurs recherches sur la modernité ont rendus sensibles au corps dans ce qu'il a de momentané et dans ce qu'il suggère de périssable. Pradier a pratiqué tous les genres ouverts à la sculpture à son époque : la statuaire allégorique requise dans les programmes à signification politique et décorative (Chambre des députés, Sénat), le portrait et la statuaire funéraire. Seul parmi ses contemporains sculpteurs qui pratiquèrent le « grand art », il comprit, dès 1840, l'extraordinaire développement de la statuette comme un genre neuf et créa abondamment pour ce nouveau marché — il donnait là un gage important au mouvement romantique qui portait un véritable culte à la mode. Enfin, Pradier a laissé une intéressante correspondance en cours de publication, Correspondance, textes réunis, classés et annotés par Douglas Siler (Droz, Genève, t. I et II, 1984, t. III, 1988).

— Jacques de CASO

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université de Californie, Berkeley (États-Unis)

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