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PRAGMATIQUE

Tentatives d'unification

Le programme de Hansson (1974) s'efforce d'articuler trois degrés de la pragmatique, qui chacun prennent en compte un certain aspect du contexte de telle manière que la notion de contexte s'enrichisse progressivement. Au premier degré correspond l'étude des symboles indexicaux, c'est-à-dire des expressions systématiquement indéterminées dont le sens et la référence varient avec le contexte référentiel : interlocuteurs, coordonnées d'espace et de temps. Pour Bar-Hillel (1954), le contexte se borne à lever l'ambiguïté des indexicaux.

Au deuxième degré correspond l'étude de la manière dont la proposition exprimée est reliée à la phrase prononcée, là où la signification communiquée doit être distinguée de la signification littérale. On peut situer ici l'étude par Grice (1975) des implicatures, conversationnelles ou conventionnelles (notion discursive et contextuelle). En tenant le discours pour une activité rationnelle, on peut poser un principe de coopération, que l'auteur détaille selon les maximes de stricte informativité, de sincérité, de pertinence et de « bonnes manières ». Le contexte est ici défini dans un sens élargi à tout ce qui est présumé par les interlocuteurs, avant tout à leurs présuppositions. Selon Strawson (1952), on dit qu'un énoncé en présuppose un autre si la vérité de ce dernier est une condition de la vérité du premier. À ne pas confondre avec l'implication : un énoncé en implique un autre s'il est contradictoire d'affirmer le premier et de nier le second. Le contexte est aussi de nature épistémique : c'est le cas des croyances déjà partagées ou devenues progressivement communes. Le contexte intervient alors pour lever les ambiguïtés dans des phrases qui ne contiennent pas d'indexicaux, mais qui expriment néanmoins des propositions différentes. Stalnaker le traduit en termes de mondes possibles (notés « m.p. »). Il s'agit d'étendre au-delà du monde réel des alternatives d'univers. Rien n'empêche alors d'appliquer des valeurs de vérité aux énoncés modaux. Ainsi « il est nécessaire que p » signifie « p est vrai dans tous les m.p. ». Idem pour les énoncés de croyances : « A croit que p » signifie « p est vrai dans tous les m.p. compatibles avec la croyance de A ». On peut appeler « ensemble-contexte » l'ensemble des mondes possibles pertinents dans une situation donnée.

Au troisième degré répond la théorie des actes de langage. Ceux-ci ont beau être linguistiquement marqués, on ne peut lever les ambiguïtés. Et indiquer ce qui a été effectivement accompli dans telle situation requiert un contexte évidemment plus riche, mais aussi plus indéfini que dans les cas précédents.

On voit apparaître deux traits communs à ces trois degrés. D'abord l'interaction communicative entre langage, contexte et interlocuteurs. Ensuite, la perspective générale de l'action : « Au lieu de voir entre les mots et le monde une relation qui existe in vacuo, on s'aperçoit qu'elle enveloppe des actions visant un but et accomplies par des locuteurs employant des outils conventionnels (mots, phrases), en accord avec des jeux très abstraits de règles. » (Searle.)

Les programmes des logiciens Montague et Stalnaker proposent les intégrations les plus extensives. Montague s'est donné pour tâche de présenter, pour un fragment de la langue naturelle, à la fois une syntaxe, une sémantique et une pragmatique. Pour que ce fragment ne fût pas trivial, il lui fallait contenir une infinité de phrases. Mais, comme il n'était pas question de les énumérer, l'auteur recourt à des règles récursives de formation. Il peut alors définir trois sortes de compétences : syntaxique, qui consiste à pouvoir engendrer ou reconnaître toutes les expressions bien formées et seulement[...]

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