PRAGMATIQUE
L'exemple du dialogue référentiel
Pour tester la suffisance des concepts ainsi dégagés, Jacques a construit (1979) un modèle simple de dialogue référentiel, espèce du dialogue en quête d'information décrit par Hintikka (1980) sur la base de la logique modale quantifiée et de la logique des questions. Le dialogue référentiel doit permettre de comprendre comment il est possible alors de concilier le jeu des conditions de vérité d'une séquence d'énoncés en contexte interlocutif avec le jeu des conditions de succès des énonciations correspondantes. Le dialogue référentiel est défini comme le contexte minimal d'analyse. Il présente une situation linguistique où le thème débattu concerne l'existence et l'identification d'un référent. Les interlocuteurs se demandent en définitive : qui, quand, quoi, où... F(x) ? [où x est l'individu cherché et F un prédicat]. À tout moment de l'entretien, l'information pragmatiquement pertinente est assertée sur un arrière-plan de présuppositions rendues communes. Voici les distinctions opératoires :
1o on distingue entre modalités d'énoncé, qui déterminent comment ce qui est dit est situé par rapport à la vérité et à la certitude, et les modalités d'énonciation, c'est-à-dire les actes de langage. Distinction fonctionnelle, puisque l'élaboration des premières ne s'opère que par l'interaction des secondes : assertions, objections, questions et réponses.
2o la progression du dialogue comporte, par conséquent, deux aspects indissociables : un aspect selon lequel les attitudes propositionnelles sont confrontées au sujet du référent et, par ailleurs, un aspect selon lequel les actes de langage réalisent cette confrontation.
3o ce sont les mêmes actes de langage qui alternent dans le dialogue au titre de leur valeur illocutoire et qui, par leurs effets perlocutoires, tendent à modifier les attitudes propositionnelles et à les confronter.
4o les traits du contexte contribuant à déterminer le contenu du message sont, pour un certain nombre, les mêmes qui servent à décrire les effets perlocutoires. Intervenant à double titre, les traits contextuels devraient relever d'une théorie unique.
5o encore faut-il que les actes de langage soient ordonnés, dans le procès du dialogue, entre eux et par rapport à l'objectif référentiel. Parmi les règles pragmatiques qui régissent la séquence des énonciations, on peut en rapporter certaines au titre de règles structurales, car elles régissent l'interaction linguistique, certaines autres au titre de règles stratégiques, car elles permettent de relier sémantiquement les énoncés exprimés aux diverses étapes du dialogue.
Ce modèle s'efforce de prendre en compte certaines données de la linguistique française dite de l'énonciation. Il montre que des notions centrales de la pragmatique logique comme la vérité ou la référence, ne peuvent être établies en dehors d'une situation pragmatique. Le réel ne se manifeste pas dans sa vérité sans être l'objet d'une communication. Dans la mesure où le modèle est opératoire, on parvient à dépasser l'opposition jusque-là spéculative entre la manifestation du réel et la communication du vrai.
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Écrit par
- Francis JACQUES : professeur à l'université de Rennes
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