PRAGUE
Du roman au flamboyant
La Bohême étant demeurée en dehors du limes de l'Empire romain, Prague ne s'ouvrit aux influences de la civilisation occidentale qu'à partir de la conversion des Tchèques au christianisme (ixe et xe siècles). Les premières constructions de pierre furent des églises dont les trois rotondes qui subsistent encore à Prague doivent représenter le type traditionnel attardé à l'époque de leur construction (xiie siècle). Mais le principal édifice de style roman est, dans l'actuelle enceinte du château, l'abbatiale des Bénédictines de Saint-Georges, construite après l'incendie de 1142 et sans doute à la place d'un sanctuaire plus ancien. Bel exemple d'une église à trois nefs (les nefs latérales basses supportant des tribunes), l'intérieur de Saint-Georges présenterait un aspect massif et sévère, n'était la lumière que diffusent les trois hautes baies de l'abside à travers le chœur surélevé.
L'extérieur est curieusement composite : les hautes tours romanes au raccord des nefs et de l'abside, une chapelle gothique placée sous le vocable de sainte Ludmila, un porche Renaissance, une façade baroquisée du xviie siècle et le joli oratoire dédié à saint Jean Népomucène (1718-1722) dans les années de ferveur de son culte.
Si Prague ne laisse apparaître que peu d'œuvres romanes, les fondations de bien des parties du château et les murs de nombreuses caves dans la Vieille Ville datent de cette époque. Les incendies étaient fréquents à Prague, comme dans toutes les villes d'Europe. Il fallait souvent reconstruire et l'on adoptait alors un style nouveau. En revanche, les œuvres gothiques s'offrent innombrables à nos yeux, depuis les restes des chapelles franciscaines du xiiie siècle dans la Vieille Ville (le cloître de la bienheureuse Agnès Přemyslovna, sœur du roi Václav Ier) jusqu'aux réalisations grandioses des xive et xve siècles, l'âge d'or de l'empereur Charles IV et de ses immédiats successeurs.
Fils de la dernière des Přemyslides et du roi de Bohême mort à Crécy, Charles IV éprouvait pour sa capitale un véritable amour et il résolut de la rendre belle. Prague lui doit d'être devenue la ville aux cent tours, tours des églises paroissiales de l'antique cité : Saint-Jacques, Saint-Gilles, Saint-Havel, Saint-Hastal, pressées les unes contre les autres et que dominait la haute nef de Sainte-Marie-des-Neiges ; tours à la fois défensives et décoratives des hôtels de ville et du pont de pierre, reconstruit d'une rive à l'autre.
Charles IV fit ouvrir partout des chantiers : à Vyšehrad, pour reconstruire un château royal, et dans sa nouvelle ville (Nové Město), pour le cloître des Bénédictins, où fut remise en honneur la liturgie slave (Na Slovanech ou Emmaus). La réalisation suprême devait être la cathédrale Saint-Guy. Ici il faut distinguer entre deux écoles de style gothique. Un architecte, Mathias d'Arras, s'inspirant des modèles français, surtout de la cathédrale d'Avignon, projeta le magnifique chœur, pourvu d'un déambulatoire et d'une couronne de chapelles. Après sa mort (1353), l'architecte et sculpteur souabe, Pierre Parler (ou Parléř) reprit l'œuvre et commença la construction de la haute tour, longtemps reliée au chœur par une arche. De Mathias d'Arras à Parléř, le gothique avait glissé d'une élégance pure et rigoureuse à un raffinement et une recherche ornementale qui annonçaient le flamboyant. La chapelle Saint-Wenceslas à Saint-Guy, avec ses murs incrustés d'améthystes, ses fresques serties d'or, et la statue mélancolique du jeune saint en porte bien les caractères.
Les événements tragiques de la période hussite furent peu favorables à l'art. Après la crise, le roi Georges de Podiébrad (1458-1471) fit[...]
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Écrit par
- Marie-Claude MAUREL : directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
- Victor-Lucien TAPIÉ : membre de l'Institut, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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