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PRAGUE

Du flamboyant au baroque

Prague, au tournant du siècle, avait retrouvé une grande puissance économique. Vingt-cinq mille habitants peuplaient ses trois villes (la Vieille Ville, la Nouvelle Ville, le Petit Côté au pied des Hradčany, chacune pourvue de son conseil). Les corporations d'artisans, d'où se dégageait un riche patriciat, animaient une production de textiles, de céramique et de ferronnerie. S'y ajoutaient changeurs et marchands, les juifs groupés dans leur quartier autour de leurs synagogues gothiques (l'Altnaï et la Pinkas) et de leur pittoresque cimetière. Dans les édifices nouveaux (reconstructions faites en général au-dessus des arcades gothiques), l'influence de la Renaissance allemande mit sa marque (porches et frontons en encorbellement). La Renaissance italienne fut beaucoup plus longue à s'affirmer. Du moins a-t-elle donné un incomparable joyau : le petit palais d'été de la reine Anne (Anne Jagellon, femme de Ferdinand de Habsbourg), entouré d'une colonnade légère (1538). Cette œuvre des Italiens (Spatio, Paolo della Stella) fut achevée et sans doute alourdie par le premier étage, dû à l'architecte allemand Vohlmut, l'un des plus actifs à Prague au milieu du xvie siècle.

Au xvie siècle, les éléments des deux Renaissances sont souvent associés dans un même monument : le palais Lobkowicz, plus tard palais Schwarzenberg, aux Hradčany (1560), avec son bossage de graffiti et son fronton, de nombreuses maisons à graffiti dans la Vieille Ville et même le cénotaphe de l'empereur Ferdinand à Saint-Guy. Autour de ce large tombeau à gisants, œuvre du Néerlandais Collin (1564), l'empereur Rodolphe II fit placer une élégante grille de fer forgé, provenant de l'atelier pragois de Schmidthammer.

Rodolphe II (1576-1612) a, plus qu'aucun autre souverain, contribué à la fortune artistique de la ville. Esprit tourmenté dont les principales préoccupations étaient d'art et de science (depuis les sciences occultes jusqu'à l'astronomie de Kepler et de Tycho Brahé), il a rassemblé au château une collection des plus diverses : gemmes de l'Antiquité, peintures flamandes, allemandes, italiennes, de la fin du Moyen Âge aux œuvres contemporaines. À la fois fervent de Dürer et complaisant aux virtuosités d'Arcimboldo, il a confié la décoration des nouvelles salles à des artistes d'origine flamande, mais qui avaient adopté l'art subtil et savant du maniérisme italien. Il a été le client du fondeur Adrien de Vries. Prague surtout, pour laquelle il n'a pas eu de grands desseins d'urbanisme comme Charles IV (les constructions qu'il a dirigées se trouvent aux Hradčany : galerie, salle espagnole, manège), a recueilli le bénéfice de sa longue résidence. Grands seigneurs du royaume de l'Empire et de l'étranger, hommes d'Église, militaires, marchands, banquiers juifs de l'Italie du Nord, savants, artistes, imprimeurs, graveurs ont afflué dans ses murs, provoquant une activité effervescente (50 000 habitants ?).

<it>Allégorie de la Paix, de l'Art et de l'Abondance</it>, H. Aachen - crédits :  Bridgeman Images

Allégorie de la Paix, de l'Art et de l'Abondance, H. Aachen

La noblesse (Lobkowicz, Rožmberk), les milieux religieux (catholiques et protestants), la riche bourgeoisie ont formé la clientèle des peintres et des portraitistes (Bartholomeus Spranger, Josef Heintz, Johannes von Aachen, des sculpteurs, des orfèvres et des joailliers (l'atelier Miseroni), des ébénistes, des marchands d'étoffes. Les influences méditerranéennes allaient désormais faire équilibre à celles de l'Allemagne du Nord et des pays flamands. L'horizon artistique s'élargit en dépit des difficultés politiques et religieuses et, malgré la persistance des traditions gothiques, le baroque s'annonçait.

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Écrit par

  • : directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
  • : membre de l'Institut, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Médias

Tchèque (République) : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Tchèque (République) : carte administrative

Rivière Vltava à Prague, République tchèque - crédits : Commission européenne

Rivière Vltava à Prague, République tchèque

<it>Allégorie de la Paix, de l'Art et de l'Abondance</it>, H. Aachen - crédits :  Bridgeman Images

Allégorie de la Paix, de l'Art et de l'Abondance, H. Aachen

Autres références

  • ART DE COUR

    • Écrit par
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    Au contraire, des programmes politico-artistiques de Charles IV, roi de Bohême en 1346, empereur d'Allemagne en 1347, presque tout demeure : dans la nouvelle Prague, conçue comme une nouvelle Rome, surpassant Avignon, et dont le plan couvre trois cent soixante hectares, le palais royal construit sur...
  • BAROQUE

    • Écrit par , et
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    • 23 médias
    ...un officier noble ambitieux accumula, par l'intrigue et la spéculation, une immense fortune et l'employa en partie à des constructions (son palais de Prague vers 1630, le premier dans la série des résidences fastueuses que les nobles devaient construire en ville, et qui se distingua par l'ampleur des...
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    ...(8 000 objets scientifiques sur 10 000 objets) dans le cabinet qu'il fonde en 1560. Mais l'exemple le plus remarquable est la collection de Rodolphe II à Prague. Un nouveau bâtiment abritait les antiques et les sculptures modernes ; dans l'aile reliant ce bâtiment au palais d'été étaient disposées à l'étage...
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