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PRAGUE

Du baroque au XXe siècle

Les conditions ont changé après les guerres de la Révolution et de l'Empire. La montée d'une bourgeoisie résolue à affirmer, contre les Allemands, sa langue et sa conscience nationale tchèque, les progrès d'une civilisation industrielle, l'extension démographique (Prague passant de 72 353 habitants en 1800 à 162 323 en 1880, 223 741 en 1910, et 672 216 en comptant les faubourgs) ont ouvert d'autres voies à l'art. Chaque étape des styles successifs des xixe et xxe siècles a été représentée à Prague, mais sans plus donner comme le baroque à Malá Strana de visage original à tout un ensemble. Au néo-classicisme et au style Empire se rattachent le théâtre des États (1781-1783), la façade sévère de la Douane (1811-1813), l'église des Piaristes dont la façade est un grand portique simple entre deux colonnes, le curieux immeuble de la maison Platejš (1820).

La disposition de la ville s'est modifiée, dans une intention d'urbanisme (régularisation des quais le long de la Vltava, des rues entre la Vieille et la Nouvelle Ville, aménagement de l'avenue dite place Saint-Wenceslas, création de quartiers neufs : Vinohrady, Smichov). On eut besoin de nouveaux édifices pour des services publics accrus, d'immeubles de rapport. Certains monuments furent l'expression d'une volonté nationale : le théâtre, la statue équestre de saint Wenceslas œuvre de Myslbek (1912). Comme à Vienne, l'architecture admit le pastiche, que ce fût celui du gothique (église de Vyšehrad, achèvement de la cathédrale Saint-Guy, restauration des tours de la ville par Mocker) ou celui de la Renaissance (Théâtre national, par Zitek, 1883, Musée national, par Schulz, 1884). Au début du xxe siècle, le modern style (Obecní Dům, d'Antonin Balšánek) connut un bref succès, puis la mode s'orienta vers des constructions massives, aux arêtes aiguës, aux surfaces dépouillées et, du temps de la première République, vers des réalisations fonctionnelles elles aussi très éclectiques. Les traditions ininterrompues de l'art expliquent la présence, sinon d'écoles, du moins d'ateliers authentiquement pragois et de peintres comme Josef Manes (1820-1871), de paysagistes comme Kosárek (1830-1854), Antonin Chittusi (1874-1891), de décorateurs comme Mikulaš Aleš (1852-1913), de sculpteurs comme Josef Václav Myslbek, Sucharda, Štursa, voire, vers 1925, O. Gutfreund. En même temps, Paris attire nombre d'artistes tchèques et trouve parmi eux le séduisant interprète de l'art nouveau, Alphonse Mucha (1860-1939) et l'un des créateurs de l'art abstrait, François Kupka (1871-1957). Chez les artistes demeurés ou revenus dans la ville mère (Praha matička), soit qu'ils peignent des paysages, des scènes historiques (Václav Brožik, 1851-1901) des portraits, soit qu'ils se consacrent à l'art graphique (Zdenka Braunerová, 1858-1934) ou à la peinture décorative (Vojtěch Hynais, rideau du Théâtre national) soit même qu'ils se détachent de toute figuration, on retrouve une égale ambition de servir l'art et la cause nationale, de maintenir la capitale tchèque à son rang traditionnel et de lui conserver sa réputation de ville d'art.

— Victor-Lucien TAPIÉ

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Écrit par

  • : directrice d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
  • : membre de l'Institut, professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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Médias

Tchèque (République) : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Tchèque (République) : carte administrative

Rivière Vltava à Prague, République tchèque - crédits : Commission européenne

Rivière Vltava à Prague, République tchèque

<it>Allégorie de la Paix, de l'Art et de l'Abondance</it>, H. Aachen - crédits :  Bridgeman Images

Allégorie de la Paix, de l'Art et de l'Abondance, H. Aachen

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