PRÉADAPTATION
Reformulation du concept de préadaptation
Depuis la fin des années 1950, la préadaptation a été redéfinie (notamment par Ernst Mayr) comme étant la capacité d'un caractère (anatomique, physiologique, éthologique, ou autre) à être utilisé par l'organisme pour une autre fonction que celle qu'il avait à l'origine. Plusieurs auteurs, par exemple, croient que les plumes des ancêtres des oiseaux ont d'abord surtout joué un rôle dans la régulation thermique de ces animaux, avant de devenir indispensables au vol, dont elles constituent un élément essentiel chez la plupart des espèces. En 1982, Stephen Jay Gould et Elizabeth Vrba ont même suggéré d'abandonner toute utilisation du terme de préadaptation, à cause de sa connotation finaliste, et de le remplacer par celui d'« exaptation ». Ce mot devrait selon eux être utilisé pour tout caractère n'ayant pas été édifié par la sélection naturelle pour sa fonction actuelle soit qu'il ait eu antérieurement un autre rôle (aspect classique de la préadaptation), soit qu'il représente une structure non fonctionnelle. Certains caractères constituent en effet des conséquences annexes du développement d'adaptations particulières (comme les mamelons chez les mammifères mâles), des organes rudimentaires, rendus obsolètes par une modification de l'organisme (appendice vermiculaire chez l'homme, par exemple) ou parce qu'ils font double emploi (les diverticules œsophagiens évoquant les poumons chez certains poissons se sont convertis en vessies natatoires dans la mesure où les branchies pouvaient assurer seules la respiration). De tels dispositifs restent cependant disponibles pour une évolution ultérieure. Dans ces conditions, le terme d'adaptation serait utilisé seulement pour qualifier les caractères qui se sont développés (toujours par mutations aléatoires et sélection naturelle) à la seule fin de leur utilité présente.
Quoi qu'il en soit, la notion de préadaptation ne semble jamais avoir eu un grand succès chez les biologistes, parce qu'elle posait un problème insoluble. En effet, soit elle faisait reposer l'évolution sur un double hasard – la coïncidence entre une modification génétique fortuite et les changements du milieu – soit elle exigeait le recours à un plan mystérieux de nature métaphysique. La théorie de la préadaptation fut cependant l'une des premières qui introduisit le hasard dans l'histoire du vivant, non seulement sur le plan génétique, mais aussi dans la perspective écologique. Or cette idée joue un rôle essentiel dans la compréhension actuelle des mécanismes de l'évolution biologique.
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Écrit par
- Cédric GRIMOULT : professeur agrégé d'histoire, docteur en lettres et sciences humaines, enseignant à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
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