PRÉAULT ANTOINE AUGUSTIN dit AUGUSTE (1809-1879)
Né et mort à Paris, Auguste Préault incarne l'archétype de l'artiste romantique. Sa légende, celle du génie en butte à la reconnaissance, est servie par une personnalité hors du commun et une sociabilité féconde qui en firent une des grandes figures du Paris de la bohème. Son œuvre est tendue vers la recherche de solutions formelles novatrices dominées par l'idée et par l'inachèvement. L'inachèvement, dimension aujourd'hui si familière, est, dans la culture du xixe siècle, incompatible avec la reconnaissance académique. C'est pourtant la reconnaissance de l'inclassable que Préault revendique jusque dans le titre de Tuerie, fragment épisodique d'un bas-relief (bronze de 1850, musée des Beaux-Arts de Chartres), envoyé au Salon de 1834. Cette sculpture, qui apparaît aujourd'hui comme son chef-d'œuvre le plus énigmatique, fut cependant admise au Salon sur une proposition, attribuée au sculpteur Cortot, de l'accrocher « comme le malfaiteur au gibet » afin de montrer jusqu'où pouvait aller « la frénésie de la rébellion ».
Recherchant une sculpture vraiment moderne qui, au sens de Baudelaire, exprimerait la sensibilité de son temps, Préault est souvent proche d'époques beaucoup plus contemporaines. Par sa composition, Tuerie s'inspire vraisemblablement de La Pietà de Rosso Fiorentino (musée du Louvre) et ses figures grimaçantes ou hurlantes viennent des têtes lithographiées de l'Ossian de Girodet. Mais c'est de Guernica que l'historiographie rapproche aujourd'hui volontiers cette œuvre. C'est encore à la peinture, mais à une peinture allemande, à la Matthias Grünewald, que l'on songe devant la douleur sculpturale du Christ expirant (1839-1846) de l'église parisienne de Saint-Gervais-Saint-Protais. « Je ne connais que deux sortes d'artistes, ceux qui représentent une idée et ceux qui ne s'occupent que de l'ornement », disait Préault. Toute sa vie, il traita les matériaux de la sculpture avec une manière délibérément opposée à l'enseignement académique. Préault extirpe au bronze les qualités de la terre cuite. « Il ferait saigner le marbre. [...]. Il fait de la couleur avec de la glaise, avec du plâtre, avec du bronze, il en ferait avec du pain d'épice », dit un de ses biographes. Une matière chez Préault, hanté par l'immatérialité, usurpe les qualités d'une autre. Le bronze devient rivière dans l'Ophélie du musée du Louvre, montrée en plâtre au Salon de 1843, la chevelure est cascade dans l'Ondine (1835, 1860) du parc de la Bouzaise, à Beaune, ou tourbillon dans le médaillon représentant Lélia (1850) de George Sand (musée de Blois).
C'est dans l'atelier de David d'Angers que Préault reçut sa formation de sculpteur. Dans la galerie des portraits où David rassemblait son panthéon d'une humanité morale et politique, Préault put à son gré observer les résumés psychologiques de la physiognomonie qui faisait du visage une graphologie de l'âme. Il y prit peut-être le goût du visage humain traité en médaillon, mais sa logique est moins celle de l'élévation morale que de la forme. C'est le croquis qu'il transpose dans le bronze, et non l'âme. La caricature l'emporte sur la vérité psychologique au point de plonger souvent ses modèles dans l'anonymat ou de les rendre méconnaissables, c'est le cas de Palmyre Meurice (1856, Hirshhorn Museum, Washington), déformée jusqu'à la laideur ou d'Alexandre Decamps (entre 1860 et 1876, musée des Beaux-Arts, Orléans), outré jusqu'à l'allégorie. Vision d'une Antiquité décadente, bien éloignée de l'idéal antique alors dominant, le médaillon d'Aulus Vitellius (1834, 1870, musée des Augustins, Toulouse) est aussi une caricature monumentale[...]
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Écrit par
- Sylvain BELLENGER : directeur du château de Blois
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