PRÉDATION
La prédation chez les vertébrés
Y a-t-il optimisation ? Cela revient à demander : y a-t-il stratégie ? Mais il faut soulever également une question préliminaire, qui a fait couler beaucoup d'encre et a suscité toute une série de modélisations mathématiques d'un intérêt discutable : les animaux chassent-ils au hasard ? C'est à peu près là-dessus qu'ont commencé les réflexions sur la prédation ; elles ont engendré aussitôt un modèle basé sur une répartition plus ou moins régulière des proies : quel est le nombre de chances qu'elles ont d'échapper à un prédateur se déplaçant au hasard ?
Or, il importe d'éliminer d'abord et complètement cette hypothèse : il n'est plus aucun éthologiste pour soutenir que les prédateurs ne chassent qu'au hasard. Les observations les plus simples l'ont appris depuis longtemps aux premiers naturalistes, que les théoriciens de cabinet n'ont jamais voulu écouter.
Cela étant réglé, peut-on alors soutenir qu'il existe des stratégies et que, comme le veulent les sociobiologistes, elles ont été peu à peu optimisées par la sélection naturelle si bien que chaque prédateur chasse de la manière la plus efficace possible ?
La réponse à cette question est complexe. Dégageons d'abord quelques-unes des règles de la prédation.
a) L'animal « s'attend » à trouver de la nourriture là où il en a déjà trouvé. Il se forme peut-être une « image de la proie » (searching image). Alcock (1971) a présenté à des oiseaux des blocs de bois percés de trous, certains blocs contenant des appâts cachés dans les trous et d'autres non. Or les oiseaux, au cours des expériences successives, vont directement au bloc dans lequel ils ont déjà trouvé des proies, en négligeant les autres. Il semble donc bien qu'un certain degré d'« expectation » se manifeste. Quant à l'image de la proie, si l'animal peut s'en former une, comme le proposait Tinbergen, peut-être se ramène-t-elle à un certain niveau d'expectation ?
b) Les animaux, en tout cas, accumulent de l'information au cours de l'échantillonnage. Il faut citer ici l'expérience très démonstrative de Smith et Sweatman (1974) : ces auteurs présentent à des mésanges des coupelles contenant des vers de farine en quantité variable ; elles les repèrent très facilement. Mais, après trente essais, les auteurs inversent le type de distribution : les coupelles qui contenaient le moins de vers de farine en contiennent maintenant le plus ; or les mésanges inversent aussitôt la fréquence des visites et se dirigent d'emblée vers les coupelles auparavant négligées et qui sont maintenant les mieux garnies. C'est la preuve qu'au cours de leurs déplacements elles les avaient parfaitement repérées, même si elles ne les visitaient presque pas.
c) la qualité de la prospection varie suivant la quantité du butin. S'il est rare ou au contraire très abondant les auteurs s'accordent à peu près à reconnaître que les animaux n'optimisent pas, c'est-à-dire qu'ils ne distinguent pas dans leur comportement les zones riches en proies et les zones pauvres. L'optimisation paraît bien ne se manifester que dans les zones intermédiaires à densité moyenne.
d) Il faut tenir compte des goûts individuels, et on aurait tort de croire que la proie la plus grosse et la plus riche en calories potentielles va forcément être préférée. Surtout si les proies sont assez abondantes, l'animal va en rechercher de préférence certaines qui peuvent être de valeur nutritive moindre ; et on a d'assez bons arguments pour penser qu'elles en préfèrent tout simplement le goût ! Si nous revenons aux fourmis, il apparaît un phénomène qui peut s'interpréter d'une façon analogue. On espérait utiliser ces insectes dans la lutte contre les ennemis des forêts.[...]
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Écrit par
- Rémy CHAUVIN : professeur titulaire à l'université René-Descartes-Sorbonne
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Média
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