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PRÉDESTINATION

Les Pères de l'Église, le Moyen Âge et la Réforme

Jusqu'à saint Augustin, le thème de la prédestination reste peu développé, en particulier dans la théologie orientale, plutôt axée sur la déification. Il fallait lutter contre le fatalisme du manichéisme, insister sur la liberté de la nature humaine restaurée par Christ, donc ne pas risquer de confondre la volonté éternelle de salut de Dieu avec un arbitraire écrasant et démoralisant. Le thème réapparaît dans la lutte de saint Augustin contre le pélagianisme, c'est-à-dire contre une insistance sur les mérites moraux, qui menaçait la notion de grâce de Dieu au profit de celle de vertu humaine, ce qui aurait supprimé la substance même de l'Évangile. À partir de 397 et surtout dans ses derniers ouvrages : De praedestinatione sanctorum et De dono perseverantiae (428-429), saint Augustin défend l'irrésistibilité de la grâce de Dieu envers les élus, retirés par pure miséricorde élective de la masse de perdition. L'augustinisme strict insistera toujours sur la réalité du salut indépendamment de la prévisibilité des mérites. Cependant la double prédestination ne signifie pas une assignation par Dieu des réprouvés à la perdition, mais une permission par Dieu de les abandonner à leur propre perte. La prédestination en Jésus-Christ reste soigneusement distinguée du déterminisme au mal professé par les manichéens. Il n'empêche que les derniers textes de saint Augustin, dans leur outrance polémique, passent sous silence la volonté de salut universel de Dieu. Saint Augustin a triomphé du pélagianisme et sauvé la grâce, mais son triomphe risque de laisser entendre qu'il faut tout enlever à l'homme pour tout accorder à Dieu.

La querelle autour de la prédestination rebondit au ixe siècle. Gottschalk d'Orbais soutient contre Hincmar la double prédestination, celle des élus avant la prévisibilité de leurs mérites, celle des réprouvés à cause de la prévisibilité de leurs fautes (thèses approuvées aux conciles de Quierzy en 849 et d'Orange en 855). Mais, là aussi, l'universalité du salut de Dieu depuis le péché originel est omise. La querelle s'obscurcit à cause des rapports difficiles à établir entre l'éternité divine et le temps humain. Saint Bonaventure corrige l'augustinisme en insistant sur la prévision qu'a Dieu de la coopération humaine à son dessein de salut. Albert le Grand et Thomas d'Aquin distinguent entre la cause première, divine, déterminante, et les causes secondes, humaines, effectuantes, de manière à sauvegarder à la fois la souveraineté de Dieu et la liberté de l'homme. Duns Scot accentue encore plus la séparation entre les « décrets contingents et prédéterminants » de la volonté originaire toute-puissante de Dieu, d'une part, et, d'autre part, « les futuribles humains qui restent, eux, parfaitement contingents ». On voit qu'insensiblement on est passé d'une réflexion théologique, paulinienne et augustinienne, concernant la grâce, à une réflexion philosophique concernant les rapports entre l'éternel et le temporel, le nécessaire et le contingent. Le problème de la causalité a pris le pas sur le mystère du salut. Cependant, c'est bien autour de la même doctrine de la prédestination que les deux réflexions se sont nouées.

À la Réforme, la question de la grâce reprend une place centrale. Le jeune Luther parle peu de la prédestination, redoutant de constituer un secret divin indépendant de la Révélation manifestée en Christ. À la suite de Mélanchthon, la Formule de concorde insiste sur la volonté de salut universel de Dieu. C'est surtout Calvin qui reprend les thèmes augustiniens sur la double prédestination, les élus manifestant la miséricorde gratuite de Dieu et les réprouvés témoignant de la réalité de sa colère vengeresse contre[...]

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