PRÉHISTOIRE Industrie de l'os
Le Paléolithique supérieur d'Europe occidentale
C'est vers 40 000 avant J.-C. que commence le Paléolithique supérieur avec une première culture qui reste une culture de transition : le Châtelperronien. Son industrie de l'os est encore mal connue ; les poinçons y figurent, peut-être aussi d'autres outils plus élaborés. Il faut attendre l' Aurignacien, dix mille ans plus tard, pour trouver en Europe une culture faisant preuve pour la première fois d'une maîtrise complète des techniques appropriées au travail de l'os, d'un intérêt particulier pour cette matière et de conceptions nouvelles sur le plan de la création d'outils, d'armes et de parures.
La révolution technique de l'Aurignacien
L'industrie de l'os de l'Aurignacien nous fait assister à une véritable révolution technique : il y a prise de conscience des qualités spécifiques de la matière osseuse et des gestes qui permettront d'en tirer le meilleur parti. Grâce à ce progrès, des objets aux contours définis et précis vont pouvoir être créés, des formes complexes impossibles à réaliser en pierre seront conçues. Des techniques de grande précision deviennent alors courantes, telles que le sciage transversal pour tronçonner un os à l'endroit exact où on le désire et la gravure de rainures longitudinales pour extraire d'un os long des languettes ou ébauches. Le raclage de l'os avec un éclat ou le flanc d'un burin devient la grande technique de façonnage des objets ; l'abrasion reste occasionnelle. La percussion n'est pas réellement abandonnée, mais on n'y a recours que pour certaines catégories d'objets : elle est en réalité très certainement sous-estimée par les chercheurs en raison de la fascination des premiers préhistoriens pour les objets les plus perfectionnés ou les plus beaux. Le fabricant a compris qu'il pouvait découper l'os et le sculpter ; il en a découvert les qualités plastiques propres, mais en même temps il semble qu'il ait mis momentanément de côté une vieille tradition qui impliquait elle aussi une réelle connaissance de la matière osseuse : le choix de l'os pour sa forme naturelle, utilisable telle quelle. En façonnant des objets à partir de languettes de forme géométrique simple, l'artisan ramène en effet l'os au statut de matière première amorphe. Mais nous verrons que cet oubli ne durera pas.
Quant à la nature des objets créés par les Aurignaciens, elle marque une rupture nette avec les époques précédentes. Les objets ont maintenant des formes variées mais bien définies et répétitives. Ces formes témoignent d'un début de spécialisation et rappellent souvent des outils et des armes qui sont encore en usage dans les sociétés traditionnelles ou dans les secteurs qui sont restés traditionnels dans la société moderne. C'est cette analogie qui permit aux premiers préhistoriens de désigner pour eux le « premier outil » ou la « première arme » d'une fonction donnée. Grâce aux progrès des techniques de reproduction et de lecture des traces d'utilisation des outils, nous savons maintenant que leurs attributions sont souvent fondées, mais qu'elles méritent d'être nuancées, assouplies et, dans quelques cas, contredites.
Outils et armes se dissocient donc. Parmi les outils pointus, les poinçons se diversifient : certains ont une pointe à chaque extrémité et font penser à des hameçons droits ; des épingles à tête renflée apparaissent (elles sont peut-être des objets de parure). De longs objets aplatis peuvent indifféremment servir, comme l'attestent avec netteté leurs traces d'usure, de lissoir à peaux ou de chasse-lame adapté à la taille du silex ; la spécialisation de l'outil n'est pas, comme on le voit, tout à fait acquise. Le bâton percé, outil[...]
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Écrit par
- Danielle STORDEUR : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur de la mission permanente El Kowm (ministère des Affaires étrangères)
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