PRÉHISTOIRE Industrie de l'os
Le Proche-Orient à partir de 10 000 avant J.-C. : les débuts de la sédentarisation et la néolithisation
Les Aurignaciens d'Europe ont véritablement inventé les techniques du travail de l'os et les Magdaléniens les ont développées jusqu'à la perfection. Pendant ce temps, les cultures qui se succédaient au Proche-Orient continuaient à ne produire en os que des poinçons qu'un décor géométrique venait parfois orner. Mais alors que déclinait la civilisation magdalénienne, une culture spécifiquement orientale, le Natoufien, rattrapa, vers 10 000 avant J.-C., par l'intérêt qu'elle consacra au matériau osseux, tout le retard accumulé. L'outil spécialisé y est tout de suite présent sous forme d'hameçons et de pointes barbelées ; l'outil composite est courant si l'on en juge par la grande quantité de microlithes retrouvée et la présence de supports osseux rectilignes porteurs d'une rainure. Il s'agit peut-être de simples couteaux, mais il n'est pas impossible qu'ils aient servi à des activités de cueillette, ce qui, dans le contexte des Natoufiens, est important. En effet, nous sommes à une époque charnière où s'édifient les premiers villages et s'amorce un mode de vie qui tient de plus en plus compte du monde végétal, de son exploitation comme de sa connaissance qui aboutira un jour à la production de subsistance. Les Natoufiens accordaient d'ailleurs à cet outil une attention toute particulière et l'ornaient (comme dans les sites du mont Carmel, en Israël) de rondes-bosses à thèmes animaliers dont la qualité et parfois le style ne sont pas sans rappeler l'art magdalénien. Si toutes les techniques de fabrication propres à l'industrie de l'os sont connues, leur application répond à certaines lois. L'abrasion par exemple est surtout utilisée pour la réalisation d'objets de parure, et ce fait est d'autant plus intéressant qu'il s'applique également à la pierre : au Natoufien existent des perles en pierre polie alors qu'il faudra attendre deux millénaires pour trouver les premières haches polies.
Que se passe-t-il après le Natoufien, au cours des deux millénaires de néolithisation qui vont conduire à la production de subsistance et à l'édification de modèles sociaux nouveaux ? Sur le plan technique, l'artisan revient à l'ancienne conception de la matière première, qui intègre une perception des formes naturelles des os et les exploite au maximum. L'os est donc choisi pour sa forme globale – un os plat servira à faire un objet plat –, ou pour la forme d'une de ses parties : une articulation globuleuse sera conservée, entièrement ou partiellement, à l'extrémité d'un outil pour lui servir de poignée. La plupart des outils courants seront ainsi obtenus avec peu d'efforts et sembleront, à juste titre, peu élaborés, mais cette option est tout à fait délibérée et n'a plus rien à voir avec une ignorance technique. L'artisan prouve souvent, au contraire, qu'il possède une maîtrise de toutes les techniques accumulées au cours du temps, enrichies même par quelques apports nouveaux tels que l'utilisation du foret pour percer les trous « mécaniquement », celle de l'abrasion pour façonner l'outil dans sa totalité, ou encore la chauffe volontaire des parties actives (elles en restent « vernies », ce qui améliore par exemple l'utilisation d'un poinçon qui devient glissant). L'artisan ajuste seulement le choix de ses gestes et la durée de son travail à la nature de l'objet qu'il réalise : on trouve ainsi, dans une même culture, des outils peu élaborés, des outils complexes difficiles à réaliser et même des productions artistiques de bon niveau. Ces éléments semblent indiquer chez l'homme en voie de néolithisation une plus grande souplesse au niveau des choix techniques qu'auparavant.[...]
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Écrit par
- Danielle STORDEUR : directeur de recherche au C.N.R.S., directeur de la mission permanente El Kowm (ministère des Affaires étrangères)
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