PRÉHISTOIRE L'homme et le feu
Les mythes traditionnels des contrées les plus éloignées affirment tous combien est profondément vécue la relation entre l'homme et le feu : sans maîtrise du feu, il n'y a pas d'humanité véritable. Mais le feu, sortant l'homme de l'animalité, le conduit aussi au divin ; et jamais le feu n'est simplement découvert, il est toujours volé et l'humanité entière doit payer le prix de ce vol. Domestiqué, compagnon des moindres gestes, il reste instable, fugace, prompt à la révolte. L'extrême dépendance dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui vis-à-vis de l'« énergie » n'est-elle pas un écho de ce lien fondamental entre le feu et l'homme ?
Au-delà du mythe, que sait-on réellement de cette longue histoire commune, qui prend ses racines dans les périodes les plus reculées de la préhistoire ? Plus de cent ans après le début des recherches en préhistoire, que sait-on aujourd'hui de la découverte du feu, de la façon dont il était produit et utilisé par les chasseurs du Paléolithique ?
Sans être négligeable, comme on le verra, le bilan reste décevant. Certains problèmes ne connaîtront sans doute jamais de solution (à commencer par celui des origines de la production même du feu), tandis que, dans la plupart des cas, incertitudes et hypothèses prennent le pas sur les faits acquis. Deux ordres de raisons l'expliquent ; l'une tient à la nature du sujet lui-même, l'autre à la nature de l'enquête archéologique.
La préhistoire du feu : une archéologie difficile
La raison essentielle de la pauvreté de nos connaissances tient en effet d'abord au sujet lui-même : le feu se prête mal à l'investigation archéologique. Si ses traces sont en général faciles à repérer, elles ne renseignent ni sur les opérations qui ont précédé la combustion elle-même (mode de préparation du foyer, allumage, etc.), ni sur celles qui ont motivé la combustion (usage technique ou alimentaire du feu, éclairage ou chauffage, etc.). Tous les gestes ont disparu, et seuls subsistent les témoins de combustion organiques (bois, os, herbes) ou minéraux (pierres, colorants) calcinés. Vestiges isolés, comme un os brûlé sur le sol d'un habitat, ou vestiges structurés – foyers, fours, vidanges de foyer –, ils attestent bien l'usage même du feu mais restent le plus souvent muets quant à sa finalité. Les foyers allumés pour griller la viande, pour chauffer l'habitation ou l'éclairer, voire pour travailler l'os ou l'ivoire laisseront au sol des traces absolument similaires aux yeux de l'archéologue. Dans la plupart des cas en effet, les éventuels instruments ou dispositifs liés à la fabrication et à l'utilisation du feu, depuis les briquets en bois jusqu'aux supports de broches, sont en matière végétale et disparaissent dans le sol sans laisser de trace.
En outre, jusqu'à une époque récente, les questions n'étaient pas posées, ou l'étaient mal. Car si les tout premiers préhistoriens s'intéressèrent à la « palethnologie », la reconstitution des modes de vie anciens, leurs méthodes de fouille invalidaient souvent la qualité de leurs observations. Dans la première moitié du xxe siècle, les questions d'ordre ethnographique sont délaissées au profit de la chronologie, et rares sont les rapports qui signalent même l'existence de foyers dans les fouilles en les distinguant de simples couches mêlées de cendres.
Dans la seconde moitié de ce siècle, sous l'impulsion de chercheurs comme K. P. Oakley et A. Leroi-Gourhan, on s'intéresse à nouveau concrètement aux problèmes que posent le feu et son utilisation, et les nouvelles méthodes de fouille, isolant des sols d'habitat, permettent des observations plus riches et plus rigoureuses. Grâce à elles, il est possible d'esquisser une « préhistoire du feu », dont[...]
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Écrit par
- Catherine PERLÈS : docteur en ethnologie préhistorique, maître assistant à l'université de Paris-X
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