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PRÉHISTOIRE L'homme et le feu

Les usages techniques du feu

Nous sommes un peu mieux renseignés sur les usages techniques du feu, et c'est un domaine où les progrès de la recherche archéologique permettent d'espérer un progrès substantiel de nos connaissances. Les toutes premières applications techniques du feu dont nous ayons quelque indice (mais qui demandent à être confirmées par de nouvelles recherches) ne sont guère spécifiques au feu et tendraient à montrer, si elles sont vérifiées, que les propriétés fondamentales de cette nouvelle source d'énergie n'ont pas tout de suite été perçues. Le feu aurait, en effet, été utilisé dès le Paléolithique ancien pour fracturer des bois de cervidés ou faire éclater de gros blocs de pierre rebelles au débitage. Il s'agit là d'opérations où le feu ne fait que se substituer à d'autres outils tranchants ou percutants. Avec le durcissement au feu de lances ou d'épieux de bois, le feu est utilisé suivant une conception autre et riche de développements futurs : l'amélioration des qualités des matières premières travaillées. On connaît une lance en bois d'if durcie au feu, datant du Paléolithique moyen (à Lehringen, en Allemagne), mais la conservation du bois est si rare que bien des exemples plus anciens ont pu échapper.

Au Paléolithique supérieur, d'autres matières premières vont être ainsi améliorées par un traitement thermique. Le silex tout d'abord, simplement réchauffé près du foyer, ou chauffé pendant plusieurs heures dans un « four » jusqu'à subir des modifications structurelles, permet de réaliser, par pression, certains des plus beaux objets de pierre taillée : les feuilles de laurier solutréennes. L'os et l'ivoire, chauffés à l'étuvée, gagnent en élasticité, ce qui permet de modifier leur forme et de redresser des baguettes d'os, des bois de cervidés ou des défenses de mammouth naturellement courbes. Le feu a joué également un rôle important dans la préparation des colorants employés pour peindre objets mobiliers et parois des grottes. Si le charbon de bois paraît avoir été peu prisé (le noir était surtout constitué de manganèse), tous les tons de brun, de rouge, d'orange et de jaune étaient constitués d'ocres naturelles dont les nuances étaient modifiées par oxydation ou réduction sur un foyer. En témoignent plusieurs foyers recouverts d'ocres aux teintes variées, découverts en France (Arcy-sur-Cure) et jusqu'en Europe orientale (Kostenki).

Bois, pierre, os et minéraux ainsi modifiés témoignent de l'importance technique du feu pour les chasseurs-collecteurs du Paléolithique. Mais il faut attendre les agriculteurs et les éleveurs du Néolithique et de l'âge du bronze, il y a quelques millénaires seulement, pour que le feu soit utilisé dans des transformations plus radicales encore de la matière, pour que naissent les « arts du feu » : transformation de l'argile en poterie, des silicates en verre, des minerais en métaux. Avec les arts du feu naissent, en fait, les industries qui sont à la base de nos sociétés actuelles.

Ainsi se confirme le message des mythes et des philosophies anciennes : l'histoire de l'humanité ne peut se concevoir sans l'histoire de sa relation avec le feu. La maîtrise du feu, inconnue chez l'animal, est-elle même, comme on a pu souvent l'avancer, un des critères de l'hominisation ? À cette question, point de réponse véritablement scientifique, faute d'avoir pu définir ce qu'est un homme. En revanche, il est parfaitement légitime de considérer que, par les perspectives nouvelles qu'il ouvrit à l'humanité naissante, par la maîtrise de nouvelles forces, mais aussi par tous les problèmes jusque-là inconnus qu'il obligea à résoudre, le feu fut l'un des facteurs les plus importants dans le processus même de l'hominisation.[...]

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Écrit par

  • : docteur en ethnologie préhistorique, maître assistant à l'université de Paris-X

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Foyers paléolithiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

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