Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

PRÉHISTOIRE La taille expérimentale des roches dures

Comment expérimenter ?

Nous, hommes modernes, quand nous « jouons » à l'homme préhistorique, quand nous reproduisons un outil de pierre (ou d'os, de bois de renne, d'ivoire), nous procédons à une expérience, nous ne réalisons pas un outil fonctionnel dont dépend notre survie. L'outil préhistorique nous est viscéralement étranger, il ne fait plus partie de notre monde. Nous n'atteindrons donc jamais le tailleur préhistorique ; nous l'approcherons seulement, car derrière la main il n'y a plus et il ne peut plus y avoir les mêmes motivations. Il ne faut donc jamais perdre de vue cette impossibilité d'exhumer la relation exacte être humain-outil des préhistoriques, même pour Homo sapiens sapiens fossilis.

Mais nous devrons du moins nous placer dans des conditions matérielles correspondant aux connaissances techniques de la période envisagée. On pourra par exemple utiliser un outil à pointe de cuivre pour reproduire les pièces du Chalcolithique. Pour toutes les périodes antérieures, il va de soi que seuls les instruments provenant d'un minéral, d'un végétal ou d'un animal seront employés pour fractionner les roches dures dans un but scientifique. En effet, les tailleurs de pierre modernes « à la mode préhistorique » ont des motivations diverses : la tromperie, car les faussaires sévissent encore périodiquement ; un but lucratif (pierres à fusil, objets vendus aux touristes, particulièrement en obsidienne au Mexique et aux États-Unis) ; un but utilitaire (soit pour armer les « planches à dépiquer » les céréales, soit – les exemples se font de plus en plus rares – pour les mêmes motifs que les hommes préhistoriques, comme les fabricants et préparateurs de peaux qui taillent des grattoirs en obsidienne dans certaines régions d'Éthiopie.

Seuls ces deux derniers cas peuvent nous apporter des données, encore les techniques et méthodes en cours sont-elles devenues des reliques résiduelles.

Toute démarche scientifique doit être précédée d'une problématique. On peut en concevoir les grandes lignes de la façon suivante. Toutes nos acquisitions sont jusqu'ici par trop empiriques. Il faut aller plus loin : tailler pour le plaisir, pour la belle pièce ne nous apporte rien, tailler pour retrouver les techniques nous apporte insuffisamment, nous devons maintenant tailler pour expérimenter vraiment en laboratoire. Les expériences de taille multipliant le même geste technique dans des conditions parfaitement définies nous permettront l'étude des chaînes d'actions techniques, leurs combinaisons et leurs fréquences pour les différents groupes préhistoriques. Il faudra pour cela appliquer un traitement statistique (souvent très simple) approprié à chaque cas. On ne peut espérer aboutir à une quasi-certitude qu'en accumulant les présomptions. Cela sera d'autant mieux réalisable que de nouveaux tailleurs sont formés, chacun devant acquérir « sa » connaissance artisanale ensuite, sans se cantonner à un type d'outil ou à une technique. Un expérimentateur scientifique doit tâter de toutes les techniques, doit « débiter », retoucher « par percussion et par pression », utiliser des instruments en pierre, bois d'arbres, bois d'animal, faire de petits et grands outils, de toutes les époques, de toutes les provinces, du galet taillé à la pointe de flèche. Il doit de même s'essayer sur toutes les matières premières naturelles possibles (silex, quartzite, obsidienne, basalte, jaspe, bois silicifié, calcédoine, etc.) comme l'ont fait les hommes préhistoriques.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Média


			Contraintes et réussites des outils de l'homme
    préhistorique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Contraintes et réussites des outils de l'homme préhistorique

Autres références

  • ABRI-SOUS-ROCHE

    • Écrit par
    • 626 mots

    Parmi les divers types de gisements préhistoriques, les abris-sous-roche, sites d'habitat installés au pied des falaises et simplement protégés par un surplomb rocheux, sont extrêmement nombreux dans toutes les régions du globe, non seulement en Europe, notamment dans la région dite franco-cantabrique,...

  • AFRIQUE (Histoire) - Préhistoire

    • Écrit par
    • 6 326 mots
    • 3 médias

    La préhistoire de l'Afrique est littéralement la préhistoire de l'humanité. Les recherches archéologiques effectuées en Afrique sont le fait de toutes les traditions académiques, offrant ainsi une multiplicité de perspectives sur l'évolution des sociétés humaines. En outre, le continent...

  • ÂGE ET PÉRIODE

    • Écrit par
    • 1 957 mots
    ...particulier, constitue l'une des bornes temporelles de référence : peut-on, se demandent les savants, retrouver les restes d'un homme « antédiluvien » ? C'est en ces termes que l'un des fondateurs de la préhistoire, Boucher de Perthes, publie en 1847 et 1857 ses Antiquités celtiques et antédiluviennes...
  • AGRICULTURE - Histoire des agricultures jusqu'au XIXe siècle

    • Écrit par et
    • 6 086 mots
    • 2 médias

    Il y a dix mille ans, au début du Néolithique, les quelque cinq millions d'êtres humains, généralement nomades, qui peuplaient la Terre se nourrissaient des produits de la chasse, de la pêche et de la cueillette. Cependant, dans quelques rares régions du monde, certaines communautés sédentarisées...

  • Afficher les 146 références