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PRÉHISTOIRE Vue d'ensemble

On appelle classiquement « préhistoire » l'étude des sociétés humaines anciennes qui ne nous ont pas laissé de textes écrits, puisqu'elles ne disposaient pas de l'écriture. Celle-ci fut inventée indépendamment dans plusieurs régions du monde par des sociétés dont le niveau de complexité ne permettait plus la gestion par la seule mémoire – c'est-à-dire des sociétés devenues urbaines et étatiques. Les plus anciennes, celles de l'Égypte et de la Mésopotamie, datent de la fin du IVe millénaire avant notre ère. C'est dire que, pendant l'essentiel de son histoire, l'humanité n'a comporté que des sociétés « préhistoriques ».

Comme celui d'histoire, le terme de préhistoire désigne à la fois l'objet d'étude et la science qui l'étudie. Si la préhistoire peut être considérée comme l'une des branches de l'archéologie, l'absence de textes a obligé les préhistoriens à développer des méthodes d'analyses particulièrement fines, qui ont ensuite bénéficié à l'ensemble de l'archéologie(André Leroi-Gourhan, La Préhistoire dans le monde, 1965, nouv. éd. sous la dir. de José Garanger, 1992).

L'existence même de la préhistoire a longtemps été interdite au sein de la chrétienté, dans la mesure où le récit fourni par la Bible tenait lieu d'unique explication du monde (Alain Schnapp, La Conquête du passé : aux origines de l'archéologie, 1993). En 1657 par exemple, Isaac Lapeyrère dut abjurer solennellement son hypothèse des « pré-adamites », donc de sociétés humaines plus anciennes qu'Adam. Et jusqu'à la fin du xixe siècle, la lecture non littérale de la Bible fut passible d'excommunication. De nos jours encore, des mouvements fondamentalistes religieux, notamment aux États-Unis, essaient d'imposer dans l'enseignement cette lecture littérale, sous le nom de « créationnisme ».

Au début du xixe siècle, les discussions portaient sur la possibilité de découvrir les vestiges d'hommes « antédiluviens », c'est-à-dire antérieurs au Déluge. Le mot donne son titre à l'ouvrage que publie, en 1847 et 1857, Jacques Boucher de Perthes : Antiquités celtiques et antédiluviennes. Celui qu'on appelle « le père de la préhistoire » y démontrait l'existence, dans les anciennes terrasses de la Somme, d'outils de silex remontant à plusieurs centaines de milliers d'années. Les découvertes se multipliant, la seconde partie du xixe siècle sera consacrée à l'établissement d'une chronologie, sur le modèle de la géologie, avec de grandes époques successives (Acheuléen, Moustérien, Magdalénien, etc.). Le développement de la biologie évolutionniste avec Charles Robert Darwin, à partir de la publication de L'Origine des espèces, en 1859 (trad. franç., 1862), va cependant offrir un cadre théorique d'ensemble à la préhistoire de l'homme.

De grandes dates jalonnent l'extension progressive, dans l'espace et le temps, du nouveau champ de recherche déterminé : découverte de l'homme de Néandertal en 1856, des premières grottes peintes à partir de 1879, du Pithécanthrope de Java en 1894, des Australopithèques (les plus anciennes formes humaines connues) à partir de 1924...

Les découvertes s'accompagnent d'une transformation progressive des méthodes (Jean-Paul Demoule, Anne Lehöerff, François Giligny et Alain Schnapp, Guide des méthodes de l'archéologie, 2002). En matière de fouille, le paradigme longtemps dominant de la géologie, qui visait, par la fouille dite « stratigraphique » pratiquée dans d'étroits sondages, à reconnaître des couches et donc des époques successives, fit place à une vision de type anthropologique. À la suite des travaux de l'école soviétique durant les années 1920-1930 (comme sur le site [...]

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  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

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