PRÉJUGÉS ET DISCRIMINATION
Le terme « préjugé » fait référence à une attitude défavorable envers les membres d’un groupe social. Cette attitude se manifeste sous forme d’évaluations négatives (par exemple, l’attribution de traits négatifs ou d’intentions malsaines) et de sentiments hostiles (le mépris, la haine…). Cette attitude constitue souvent une réaction défensive à une menace perçue pour son groupe d’appartenance, et sert à créer ou maintenir des relations de statut hiérarchiques entre groupes sociaux. Une fois formés, les préjugés sont appliqués à l’ensemble des membres d’un groupe sans tenir compte des traits qui caractérisent chaque individu. D’où l’origine du mot « pré-juger » : nous évaluons une personne avant de la connaître en fondant notre jugement uniquement sur le groupe social auquel elle appartient.
Le terme « discrimination » désigne un comportement inapproprié, voire injuste, envers des individus en raison de leur appartenance à un groupe social donné. Refuser un emploi ou ne pas louer un logement à un individu à cause de son origine ethnique sont des exemples classiques de discrimination. Notons que les comportements discriminatoires non seulement blessent ou désavantagent d’autres groupes (« dérogation d’exogroupes »), mais ils favorisent aussi de manière injuste son propre groupe (« favoritisme pro-endogroupe »). Comme les préjugés, la discrimination maintient ou renforce les avantages de certains groupes sociaux par rapport à d’autres.
Pour rendre compte des préjugés et de la discrimination, on distingue trois approches théoriques :
– L’approche psychanalytique considère ces attitudes et comportements comme le résultat d’un processus par lequel des sentiments négatifs sur soi sont déplacés et projetés sur les membres d’un autre groupe. La fonction des préjugés est alors de résoudre des conflits internes et de satisfaire des besoins personnels.
– L’approche socioculturelle voit les préjugés et la discrimination comme le résultat inévitable du conflit entre les groupes sociaux pour l’accès à des ressources limitées. Leur objectif serait alors de justifier les inégalités existantes et le traitement différent de certains groupes sociaux (pour limiter leurs droits, par exemple).
– L’approche sociocognitive met l’accent sur les processus cognitifs et identitaires dans le fonctionnement humain. Pour gérer la multitude de stimuli sociaux, nous sommes amenés à catégoriser notre environnement en groupes sociaux et à réagir à d’autres en fonction de leur appartenance groupale. Comme notre estime de soi dépend en partie du statut relatif de notre groupe d’appartenance, nous avons tendance à dénigrer les membres d’autres groupes.
Dans la plupart des sociétés modernes, les préjugés sont perçus comme moralement répréhensibles et la discrimination est interdite. Cette pression sociale peut contribuer au fait que certains phénomènes échappent à notre conscience. Les recherches montrent à quel point les processus implicites jouent un rôle important dans les relations entre les membres de différents groupes. Ainsi, la présence d’un individu appartenant à un groupe social particulier peut activer des concepts négatifs et influencer nos évaluations sans que nous nous en rendions compte – par exemple, interpréter un même objet ambigu comme un outil s’il est tenu par une personne blanche, mais comme une arme s’il est tenu par une personne noire. De manière similaire, certaines pratiques professionnelles peuvent discriminer de facto certains groupes sociaux même si elles paraissent plutôt anodines – par exemple, spécifier une taille minimale pour le recrutement (alors que cette taille n’est pas indispensable pour exécuter le travail) ou imposer un critère de travail à temps plein pour l’allocation d’une prime salariale peuvent désavantager certains groupes sociaux.[...]
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Écrit par
- Markus BRAUER : professeur des Universités
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