PREMIER TEST DE LA RELATIVITÉ GÉNÉRALE AUTOUR D'UN TROU NOIR SUPERMASSIF
Un résultat majeur
Pour interpréter les observations astrométriques et spectrographiques réalisées lors du passage de S2 au péricentre en mai 2018, on calcule d’abord l’orbite de S2 en supposant qu’elle est régie par la mécanique classique newtonienne (lois de Kepler et attraction universelle de Newton), donc sans les effets de la relativité générale. On sait que l’indicateur de l’importance des effets relativistes sur un objet en mouvement est donné par le rapport β = v/c entre sa vitesse v et celle de la lumière (ou de la gravité) c. Les calculs résolvant exactement les équations de la relativité générale (équations d’Einstein) étant très difficilement maniables, on utilise généralement des solutions approchées presque exactes, dites approximations post-newtoniennes. C’est ainsi que l’effet Doppler classique (décalage de la longueur d’onde vers le rouge quand la source s’éloigne de l’observateur, vers le bleu quand elle s’en rapproche) se complète d’un effet nouveau et purement relativiste appelé décalage relativiste vers le rouge. Celui-ci est proportionnel à β2. Lorsque S2 passe près du péricentre avec la vitesse mesurée, cette quantité prend la valeur 6,5 × 10–4, valeur petite, mais mesurable à partir des observations. L’orbite précisément déterminée ainsi que les spectres de S2 peuvent alors être comparés, d’une part aux prédictions purement newtoniennes et d’autre part aux prédictions relativistes. Il faut évidemment tenir compte des multiples mesures et de leurs inévitables incertitudes, ce qui donne aux conclusions un caractère statistique. Avec ces réserves, on peut énoncer que le décalage vers le rouge, observé sur le spectre de l’étoile S2 lorsque celle-ci s’approche du trou noir, est un effet relativiste, démontré sans ambiguïté. En outre, cette démonstration permet d’affiner la valeur de la masse du trou noir.
Ce résultat est une solide et première confirmation, en champ gravitationnel intense, de la relativité générale. Prudents, les auteurs soulignent néanmoins les hypothèses sous-jacentes à ce raisonnement qui ne considère que deux corps en interaction : un trou noir supermassif et l’étoile S2. Bien que la sensibilité extrême de Gravity exclue, d’après les images obtenues, la présence d’étoiles massives et brillantes entre le péricentre et SgrA*, rien n’interdit encore que de la matière y soit néanmoins présente, par exemple sous forme de trous noirs très peu massifs et non détectés jusqu’ici, dont la présence modifierait quelque peu le champ gravitationnel supposé.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Pierre LÉNA : professeur émérite de l'université Paris-VII-Denis-Diderot, membre de l'Académie des sciences
Classification
Médias