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PREMIÈRE IMAGE TÉLESCOPIQUE D'UN TROU NOIR

De la simulation numérique à l’image réelle

La campagne d’observations de ces deux trous noirs par l’EHT s’est déroulée en avril 2017, durant quatre jours. Les différents radiotélescopes ont permis chacun d’accéder à une petite partie de l’information. Il a fallu ensuite utiliser des algorithmes sophistiqués pour recomposer, à partir des innombrables données numériques enregistrées, l’image dans sa totalité, ce qui a demandé deux années de collecte et de traitement à l’aide de superordinateurs. Le résultat final (en fausses couleurs) n’a donc rien à voir avec une photographie au sens usuel du terme.

Selon les calculs théoriques préalables, effectués à l’aide de simulations numériques, l’aspect d’un trou noir entouré d’un disque gazeux doit prendre la forme d’un large anneau (anneau dit principal) qui correspond à ce que l’on appelle l’image primaire du disque, celle-ci étant relativement peu déformée par la courbure de l’espace-temps. Dans une zone plus centrale, un second anneau plus mince apparaît : c’est l’anneau de photons, formé par les rayons lumineux qui, entre le disque d'accrétion et l'observateur, ont emprunté des orbites très infléchies par le champ de gravité et donnent des images secondaire, tertiaire, etc. du disque d’accrétion, déformées par un effet de focalisation gravitationnelle. L’anneau de photons entoure une région centrale parfaitement sombre, qui n’est autre que l’ombre un peu agrandie de l’horizon des événements du trou noir lui-même.

L’image de M87* obtenue par l’EHT confirme ces traits caractéristiques, à cela près que la seule structure annulaire que l’on y voit, assez floue, est la superposition de l’anneau de photons et de l’image primaire du disque de gaz, que la résolution de l’EHT n’a pas permis de séparer. La zone de surbrillance en forme de croissant, marquée de deux taches de lumière contiguës, traduit la présence de bulles de gaz chaud tournant dans le bord interne du disque d’accrétion. Leur flux lumineux est en outre amplifié par l’effet Doppler, dû à la rotation extrêmement rapide du disque de gaz autour du trou noir. L’image globale correspond de façon frappante à celle qu’attendaient les théoriciens au regard des simulations numériques effectuées depuis la fin des années 1970.

L’image de Sagittarius A* a quant à elle requis un traitement plus long et a été dévoilée le 12 mai 2022.

Le caractère exceptionnel de l’image de M87* délivrée par l’EHT tient au fait qu’elle fournit la première preuve directe de l’existence des trous noirs, que ne justifiaient jusqu’alors que des observations indirectes fondées sur des équations et des modèles.

— Jean-Pierre LUMINET

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, laboratoire d'astrophysique, Marseille

Classification

Média

Première image d’un trou noir et simulation - crédits : à gauche : Event Horizon Telescope Collaboration/ ESO ; à droite : J.-A. Marck et J.-P. Luminet

Première image d’un trou noir et simulation