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PREMIÈRE PANDÉMIE DE CHOLÉRA

Le choléra est connu des Européens depuis le tout début du xvie siècle, à travers les voyages réalisés en Inde et en Asie du Sud-Est. On en identifie les signes cliniques : diarrhées incoercibles qui « vident » le malade, faiblesse extrême, forte mortalité. La maladie reste cependant exotique : jusqu’au début du xixe siècle, les épidémies de choléra, qui débutent presque toutes dans le delta du Gange, ne dépassent pas l’Indonésie et la Chine du Sud. Pourtant, en 1817, la maladie sort de son aire habituelle et, en deux ans, elle touche l’Indonésie, la Chine puis le Japon, progresse vers l’île de la Réunion (atteinte en 1818), puis le long de tous les tracés maritimes et des routes terrestres vers le Moyen-Orient. À son apogée, elle atteint la Turquie, le sud de la Russie et les territoires au voisinage de la mer Caspienne. On ne peut plus l’ignorer du fait de l’importance des liens économiques de l’Europe avec le Moyen-Orient. Cette première pandémie de choléra semble perdre de sa force en 1823, mais est immédiatement suivie par une deuxième, qui débute en 1826 et ne s’éteindra qu’en 1841. Celle-ci vient également du delta du Gange et suit les mêmes routes que la précédente, en Asie et au Moyen-Orient, mais elle atteint l’Europe en 1831, puis, de là, les zones côtières de l’Amérique du Nord. Elle touche la France en 1832 à partir de l’Angleterre, selon les données de la démographie historique, et non des ports de la Méditerranée comme on s’y serait attendu. La pandémie fait environ 100 000 morts dans le royaume et a un impact considérable sur l’opinion publique et le monde politique. On la trouve en arrière-plan du Hussard sur le toit de Jean Giono.

Les voyages du choléra lors de la première pandémie sont connus dans le détail grâce au travail de compilation d’informations réalisé par Alexandre Moreau de Jonnès (1778-1870), militaire sorti du rang pendant la Révolution, puis quelque peu aventurier aux Antilles où il acquiert sur le terrain une vraie compétence dans le suivi des épidémies de fièvre jaune. Devenu haut fonctionnaire pendant la Restauration, il accumule à partir de 1818 les rapports au Conseil supérieur de la santé sur l’évolution géographique de la maladie, propose des règles de restriction des échanges commerciaux et dresse enfin, en 1831, dans un mémoire adressé à l’Académie des sciences, une carte de la progression de la maladie, qui constitue une des premières cartes détaillées de géographie médicale. Ses préconisations de restriction du commerce et des déplacements lors d’une épidémie de choléra seront suivies par la plupart des États européens lors de la seconde pandémie.

— Gabriel GACHELIN

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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