PRÉRAPHAÉLITES
La phase finale
Grâce à son étonnante habileté d'exécution et à sa maîtrise du dessin, Millais s'est révélé capable, sous l'influence stimulante de Hunt et de Rossetti, de s'approprier ce sens de l'intensité qui est au cœur du préraphaélisme. Mais, privé de leur impulsion et avide de stabilité après son mariage avec Effie Gray (ex-Ruskin) en 1855, son intérêt pour le mouvement préraphaélite diminue, sa technique se relâche, et il s'oriente vers une peinture de genre à la mode. Deux de ses plus belles œuvres datent cependant de cette période de transition : The Blind Girl (La Fille aveugle, 1854-1856 ; City Museum and Art Gallery Birmingham), avec sa simplicité de vierge paisible et recueillie, et Autumn Leaves (Feuilles d'automne, 1856 ; City Art Galleries, Manchester), adieu nostalgique à l'adolescence. Avec leurs paysages palpitants et leurs sujets modernes, elles offrent un accord admirable entre l'idéal préraphaélite et la vie contemporaine. Mais le Millais de la maturité n'a plus que des morceaux de bravoure académiques à proposer ; il est élu membre de la Royal Academy en 1863, et il en devient le président en 1896.
Holman Hunt trouve en Palestine cette « soumission à la nature » dont il avait besoin pour son approche fondamentalement religieuse. Une œuvre ambiguë comme The Scapegoat (Le Bouc Émissaire, 1854-1855 ; Lady Lever Art Gallery, Port Sunlight), avec sa solitude désolée, marque le passage de la vision neuve de la jeunesse du peintre à l'isolement chargé d'implications morales et de détails symboliques de sa maturité. Une toile où s'accumulent notations et détails, et qui offre l'apparence d'un émail, Finding of Christ in the Temple (Découverte du Christ dans le Temple, City Museum and Art Gallery, Birmingham), est accueillie en 1860 avec une grande ferveur, tandis que les gravures qu'il exécute d'après ses sujets religieux lui valent une large popularité.
Si Hunt a été le seul à observer à la lettre, pendant toute sa vie, les principes préraphaélites, c'est cependant avec ses expériences de coloriste qu'il poursuit dans ses dernières toiles où l'imaginaire se déploie dans toute sa plénitude – comme en témoigne The Lady of Shalott (1886-1905, Hartford, Connecticut) – et qu'il apporte sa contribution la plus originale à la pensée du xxe siècle.
Rossetti était, de tous, le moins doué techniquement, et peu porté, par tempérament, à adopter les vues réalistes de ses compagnons ; il découvre sa véritable voie dans des sujets « médiévaux », qu'il traite sur de petites dimensions. Les aquarelles des années cinquante, semblables à des miniatures, avec leurs couleurs héraldiques et leur atmosphère intensément mystique – et qui trouvent leur parallèle dans sa poésie –, expriment admirablement son style personnel ; non moins significatives sont les illustrations pleines d'imagination qu'il exécute pour les poèmes de son ami Allingham, pour le Tennyson paru chez Moxon en 1857 (dont les préraphaélites assurèrent la célébrité) et la série inspirée de dessins qu'il fait d'Élisabeth Siddall, à la fois son modèle, sa femme et son élève.
Ce sont ces œuvres qui servent de référence aux premières productions de disciples plus jeunes comme William Morris (1834-1896) et Edward Burne-Jones, qui se joignent à Rossetti pour exécuter les décorations manquées de l'Oxford Union en 1857 et pour constituer, en 1861, la Morris Firm (société de décoration et d'arts graphiques), qui exercera une grande influence sur l'évolution des arts décoratifs.
Retournant à la peinture à l'huile à la fin des années cinquante, Rossetti trouve le modèle pour ses études ultérieures de femme exotique dans les longs cheveux roux et la personnalité pensive de sa bien-aimée Lizzie Siddall. Vivant[...]
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Écrit par
- Mary Gardner BENNETT : conservatrice à la Walker Art Gallery, Liverpool, Royaume-Uni
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ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Peinture
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Peintre britannique né le 16 avril 1821 à Calais (France), mort le 6 octobre 1893 à Londres.
Ford Madox Brown étudie l'art à Bruges et Anvers de 1837 à 1839. Ses premières œuvres sont marquées par une palette sombre et un sentiment dramatique, en parfait accord avec les sujets byroniens qu'il peint...
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