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PRESCRIPTION

Aux termes du Code civil, « la prescription est un moyen d'acquérir ou de se libérer par un certain laps de temps, et sous les conditions déterminées par la loi » (art. 2219). Souvent critiquée, cette définition a tout au moins le mérite d'indiquer d'emblée le double objet de la prescription.

Moyen d'acquérir, la prescription est dite acquisitive et correspond à l'usucapio romaine ; elle a pour effet de transférer au possesseur la propriété d'un bien pourvu que sa possession remplisse certaines conditions et notamment celle d'une durée suffisante. Moyen de se libérer, la prescription est dite extinctive ou libératoire et vise à dissoudre un rapport d'obligation par l'inaction prolongée du créancier. Mais la définition du Code pèche par exagération, car, à proprement parler, l'effet des deux classes de prescription est plus modeste. La prescription acquisitive est moins un moyen d'acquérir que de consolider une acquisition sujette à éviction ou même simplement présumée. Quant à la prescription extinctive, elle n'est jamais qu'une exception par laquelle le défendeur à une action judiciaire peut la faire repousser, celle-ci laissant cependant subsister sa dette comme obligation naturelle.

Une institution universellement répandue

Malgré la distance qui les sépare, la prescription acquisitive et la prescription extinctive s'apparentent l'une à l'autre par un élément fondamental commun. L'une et l'autre n'opèrent en effet qu'après « un certain laps de temps », généralement assez long. La question se pose dès lors de savoir si le simple écoulement du temps suffit, en équité, pour affecter les droits et obligations des intéressés, pour accroître le patrimoine des uns (possesseur, débiteur) et réduire proportionnellement celui des autres (propriétaire, créancier), sans qu'aucun d'eux ait rien fait pour le mériter. À première vue, l'idée même de la prescription paraît choquante en tant qu'elle serait un facteur d'instabilité, voire d'injustice ; et bien des penseurs (école « idéaliste », canonistes, etc.) l'ont condamnée comme un « péché » tendant à spolier le véritable ayant droit au profit d'un usurpateur.

Ces scrupules n'ont pas prévalu, et l'on peut dire que la prescription est aujourd'hui une institution universellement répandue : sous les formes les plus variées, elle a été adoptée sous toutes les latitudes, et les « réalistes » l'ont saluée comme « la plus nécessaire à l'ordre social » (Exposé des motifs du Code civil). Paradoxalement, on la justifie avant tout par le souci d'assurer la stabilité du patrimoine (ne dominia in perpetuum incerta maneant) et d'écarter comme incertaines les réclamations trop différées tendant à modifier l'ordre établi (for quieting of men's estates and avoiding of suits, préambule de la loi anglaise de 1623). Éminemment conservateur, le droit positif considère comme sa fonction essentielle de garantir aux personnes la possession paisible de leurs biens ; et si celle-ci se trouve dissociée de la propriété véritable, l'intérêt social bien compris exigera de mettre fin à cette situation pathologique en ramenant le fait au droit et en faisant sortir du fait, au bout d'un certain temps, un droit nouveau.

À cette justification sont venues se joindre d'autres considérations, parmi lesquelles : celle que le retard exagéré à intenter l'action judiciaire équivaut à une négligence (vigilantibus non dormientibus jura servantur) ; les présomptions qu'il fait naître en faveur du défendeur (présomption de paiement, de remise de l'obligation ou d'extinction par tout autre mode) ; le danger de dépérissement des moyens de preuve, et le caractère vexatoire de l'action à laquelle il est devenu[...]

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Écrit par

  • : ancien doyen de la faculté de droit de l'université de Jérusalem

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