PRESCRIPTION PÉNALE
Est prescrite toute voie de droit qui ne peut plus s'exercer parce qu'un certain délai s'est écoulé entre le moment où elle a commencé de pouvoir être intentée et le moment présent. La prescription est une institution qui revêt un caractère d'ordre public, et c'est dans l'ordre public qu'il convient de rechercher son fondement. Lorsque les faits se sont déroulés il y a longtemps, il est peut-être inutile de les faire resurgir des cendres de l'oubli sous prétexte qu'il est impératif que justice soit faite. Une poursuite exercée cinquante ans après les faits délictueux risquerait même de provoquer un émoi considérable dans le public : le trouble qui en résulterait serait alors certainement plus grand que le trouble résultant de la carence de l'autorité à appréhender le coupable. Cet émoi serait d'ailleurs d'autant plus justifié que les risques d'erreur judiciaire seraient plus grands à vingt, à trente ou à cinquante ans d'écart entre l'action et la poursuite. Et, de toute façon, justice n'a-t-elle pas été faite lorsque, dans l'attente que sa peine ait été prescrite, le condamné par contumace a erré, privé de tous droits, toujours en fuite, peut-être accablé par le remords et vivant dans l'angoisse de se faire prendre ? Reconnaissons cependant que la prescription sert les plus habiles, donc les plus dangereux, et que, de toute façon, en droit pur, elle va contre le principe de l'autorité absolue de la chose jugée.
Le droit pénal connaît trois sortes de prescriptions : celle de l'action publique, celle de l'action civile et celle de la peine. Dire que l'action publique est prescrite, ou éteinte, c'est dire que le ministère public ne peut plus poursuivre un individu pour des faits passés. La prescription joue pour toutes les infractions ; elle est de dix ans pour les crimes, de trois ans pour les délits et d'un an pour les contraventions. Deux remarques s'imposent cependant : pour certains actes, la prescription est plus courte (ainsi pour le délit de diffamation où elle n'est que de trois mois) ; pour d'autres actes, la prescription ne s'applique jamais : il s'agit des crimes contre l'humanité, de la désertion à l'ennemi (l'une des formes de la désertion) et de l'insoumission en temps de guerre. Le délai de prescription court du lendemain du jour où l'infraction a été commise ou bien où le dernier acte a été perpétré. Cependant, tout acte régulier de poursuite ou d'instruction (interrogatoire, enquête, plainte, réquisitoire à fin d'informer, etc.) anéantit le délai non seulement pour l'infraction dont il est question, mais pour tous les co-inculpés, cela quand bien même l'acte interruptif n'aurait-il été dirigé que contre l'un d'eux seulement. Le délai peut être suspendu exceptionnellement lorsque les autorités sont dans l'impossibilité de droit ou de fait de poursuivre le délinquant. Un cas remarquable de suspension de la prescription s'est présenté lors de l'invasion due à la Seconde Guerre mondiale : dans ce cas, le délai n'est pas anéanti ; il survit à la suspension, mais s'en trouve simplement rallongé d'autant.
La prescription de l'action civile (c'est-à-dire de l'action que forment les victimes devant les juridictions répressives en vue de l'obtention de restitutions, de prestations, de dommages-intérêts et de frais divers de la part de l'auteur du dommage) suit en principe les règles de l'action publique. Cependant, il existe un certain nombre d'exceptions, et notamment l'action civile survit à l'action publique quand l'action civile trouve son fondement à la fois dans une infraction et dans une règle de droit civil, quand il y a décès[...]
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Écrit par
- Joël GREGOGNA : avocat à la Cour
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