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PRESCRIPTION

Domaine de la prescription

La prescription est demeurée longtemps une institution purement civile ; mais il est peut-être exagéré de dire que, sauf les causes de suspension en faveur d'une personne privilégiée, elle s'applique indistinctement à toute personne et contre toute personne, physique ou morale.

Une réserve s'impose en effet quant aux droits dits imprescriptibles (libertés publiques, droits de la personnalité) : seuls peuvent être prescrits les droits qui sont dans le commerce (droits patrimoniaux). Pour la même raison, les biens qui dépendent du domaine public ne sont pas susceptibles d'usucapion tant qu'ils conservent leur destination ; et un immeuble classé comme monument historique ne peut pas davantage être acquis par prescription (loi française du 31 déc. 1913, art. 12). Dans certains pays, l'imprescriptibilité de droit public est encore plus vaste. Ainsi, en Angleterre, jusqu'à la loi de 1939, le principe de l'irresponsabilité des pouvoirs publics (the King can do no wrong) mettait ceux-ci à l'abri de la prescription (nullum tempus occurrit regi).

L' action publique pour la répression des crimes et délits se prescrit dans les délais qui correspondent à la gravité de l'infraction : dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits, une année pour les contraventions. Les mêmes délais s'appliquent à l'action civile née de l'infraction. Quant aux peines, elles se prescrivent également par inexécution pendant un laps de temps qui est approximativement deux fois plus long que celui de l'action.

Dans le système français, dont le modèle a été suivi en bien d'autres pays, la prescription intéresse directement l'ordre public : autant ce dernier exige que les infractions soient dûment réprimées, autant on estime qu'il serait troublé si l'action publique n'était pas intentée dans le délai prescrit. C'est pourquoi, à la différence de la prescription civile, le prévenu ne peut valablement renoncer à la prescription pénale. Si même il omet de l'invoquer, il appartient au juge de la soulever d'office et en tout état de cause.

La prescription pénale a néanmoins conservé, en principe du moins, son caractère exceptionnel dans les pays de la common law : fidèles à la doctrine de l'irresponsabilité de la Couronne ou de l'État, la prescription pénale n'y est admise qu'à titre d'exception à la faveur d'un texte formel. En fait, les infractions pour lesquelles un délai de prescription (assez bref d'ailleurs) a été prévu sont fort nombreuses ; mais il est encore des crimes (tel l'assassinat aux États-Unis) qui échappent à la prescription.

En France, les crimes contre l'humanité, tels qu'ils sont définis par la résolution des Nations-Unies du 13 février 1946, prenant acte de la définition des crimes contre l'humanité telle qu'elle figure dans la charte du tribunal international du 8 août 1945, sont, selon les dispositions de la loi du 26 décembre 1964, imprescriptibles.

— Shalev GINOSSAR

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Écrit par

  • : ancien doyen de la faculté de droit de l'université de Jérusalem

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