PRÉSENCE DE LA LUMIÈRE INACCESSIBLE. LES VITRAUX DE CONQUES ET LA PEINTURE DE SOULAGES
Au plus près du monde
Pour Christian Heck, Soulages n’est pas un peintre abstrait, « sa peinture ne nous propose pas de nous abstraire du monde, mais de l’approcher, au contraire, au plus près de sa vérité. Soulages est un peintre de la recherche des choses ». La quête du réel présent, du seul véritable réel, est ici en jeu, et non celui des apparences de la surface, de la figuration. Ce n’est pas pour autant que la peinture de Soulages nous propose une narration. Christian Heck récuse d’avance toute lecture biographique ou psychologique. Cette absence de narration se fait au bénéfice du réel : si Soulages « choisit de consacrer sa vie à la peinture, c’est par un immense respect de la nature des choses, pour ce qui naît, non de l’illusion de la représentation, mais de la vérité de la présence ». L’art n’imite pas, il produit, il produit essentiellement de la réalité et des rythmes. « Ainsi naissent, entre les hommes et le monde, de nouveaux rapports, une nouvelle réalité. »
Le pèlerin, le regardeur, est alors touché par l’émotion. Cette émotion, finalement, Christian Heck la reconnaît dans la joie, lorsque le vitrail « est traversé par les vagues qui appartiennent à un espace plus vaste dans lequel il est englobé. Ces ondes, qui sont à la fois vives et tranquilles, fermes et légères, traversent les vitraux voisins, puis ceux plus éloignés, d’une façon analogue, mais sans répétition ». L’unité vibrante des stries qui rythment les vitraux induisent le regardeur au calme ou à l’animation, la juxtaposition crée la perception d’un tout « et renforcent le sentiment de puissance ». Et, dans les polyptyques, c’est le noir qui crée l’animation, les couleurs, le calme.
Tandis que Christian Heck consacre la première partie de son essai à l’espace et au laisser-être des choses dans leur choséité, la seconde partie concerne l’expérience du temps dans l’œuvre d’art : « Quand ce rapport avec le monde n’est pas observation mécanique du connu, mais devient expérience, quand l’homme est présent dans la réalité, quand il éprouve, au lieu d’en avoir l’idée, la peinture peut devenir le lieu du monde transfiguré. C’est bien la présence au monde qui permet la présence du monde. » Pour Pierre Soulages, il s’agit de restituer au tableau sa nature d’objet, de chose mise en évidence par son épaisseur visible.
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Écrit par
- Cédric LAPLACE : artiste, philosophe