PRESSE La presse et ses lecteurs
Le lectorat, enjeu du monde de la presse
Le lectorat comme marché
Certains journalistes ignorent de façon revendiquée leur lectorat. Ils se contentent de faire « le journal qu'eux-mêmes aimeraient lire ». Sans tout à fait partager cette position, beaucoup d'entreprises de presse se sont longtemps contentées d'une connaissance très approximative de leurs lecteurs, se fiant simplement à une intuition de ce que peut « vouloir le public ». Cependant, au cours du xxe siècle, le monde de la presse s'est doté d'instruments de plus en plus sophistiqués pour connaître son lectorat.
Initialement au moins, cette évolution tient au besoin qu'ont les entreprises insérant des publicités dans la presse de connaître la diffusion payante ou gratuite dont chaque titre fait l'objet. Des organismes voient ainsi le jour qui, à l'image de l'Audited Bureau of Circulations (A.B.C.) créé au Royaume-Uni en 1931, mesurent de façon indépendante la diffusion des journaux. En France, depuis 1946, l'Office de justification de la diffusion (O.J.D.) remplit cette fonction. Les études d'audience apparaissent un peu plus tard. La création du Centre des supports de publicité en 1957 les systématise. Elles consistent à interroger un échantillon de la population sur sa lecture de la presse. Elles aident à connaître les lecteurs d'un journal (qui sont plus nombreux que les acheteurs puisqu'un même exemplaire peut être lu par plusieurs personnes) et informent sur leurs caractéristiques socio-économiques. Elles permettent de calculer le taux de pénétration du journal dans une catégorie sociale : ce taux permet aux annonceurs d'identifier les journaux où les encarts publicitaires ont le plus de chance de toucher la catégorie qu'ils visent. Un mouvement, qui, né dans les pays anglo-saxons, se développe en France à partir de la fin des années 1970, consiste à réaliser de nombreuses études d'audience sur des populations parfois très restreintes mais essentielles du point de vue des annonceurs en raison de leur pouvoir d'achat : les « cadres actifs » par exemple, ou les « hauts revenus ».
De nouveaux instruments se diffusent depuis les années 1980. Les sondages « vu-lu », par exemple, interrogent les lecteurs pour identifier, dans le numéro d'un journal, ce qu'ils ont parcouru, ce qu'ils ont lu mais oublié, ce qu'ils ont mémorisé. De telles enquêtes indiquent aux annonceurs les pages assurant la meilleure exposition aux encarts publicitaires. Mais elles peuvent aussi être utilisées par les entreprises de presse pour ajuster leur contenu rédactionnel. Aujourd'hui, des groupes de presse recourent systématiquement à ces techniques avant de lancer un titre, une nouvelle formule, voire pour la conception de chaque numéro. Il s'agit de faire en sorte que le numéro soit le plus attractif possible pour les lecteurs. Certains groupes réunissent aussi des jurys de lecteurs, méthodiquement constitués, pour les interroger sur leurs « attentes » ou leurs réactions à la lecture d'un numéro.
Le monde de la presse tend de plus en plus à percevoir « le lectorat » comme un marché qu'il s'agit de connaître le plus précisément possible pour l'exploiter de façon rationnelle. Depuis les années 1980, les techniques de marketing se sont diffusées dans la quasi-totalité des médias, mais, dans la presse écrite, certains groupes de la presse magazine, notamment Prisma-Presse, y ont recouru plus précocement et plus systématiquement. Certaines analyses universitaires semblent accompagner ce développement du marketing. La notion de « contrat de lecture », introduite par Éliséo Véron en 1985, a par exemple été intégrée par des entreprises de presse. Elle énonce que le succès et la pérennité d'un titre de presse tient à sa capacité à instaurer, dans le [...]
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Écrit par
- Julien DUVAL : chargé de recherche au C.N.R.S.
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