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PRESSE Mythes et réalités de la liberté de la presse

Des commandements de la liberté aux conditions de son exercice

À quelles conditions les sociétés démocratiques, héritières de l'inspiration libérale du xviiie siècle, pourront-elles réduire cet écart toujours trop grand entre les commandements de la liberté de communication et les réalités de son exercice ? Et quelles chances ont-elles de réunir ces conditions ? À ce point, la technique juridique et ses instruments doivent apparaître pour ce qu'ils sont : les moyens d'une liberté dont ils organisent et protègent l'exercice. À ces moyens, conditions nécessaires mais non suffisantes de la liberté, il faut en ajouter d'autres, qui ressortissent au domaine des mœurs et des idées reçues. D'une autre nature, ces moyens précèdent et suivent les moyens du droit positif : en l'occurrence, ils président à leur élaboration et, leur conférant une ultime signification, ils en assurent l'efficacité ou l'« effectivité ». Pour l'heure, ces moyens sont ceux du combat contre certaines idées reçues : les unes concernent l'information et ses pouvoirs, les autres, la liberté d'information et ses conditions.

Il faut, en premier lieu, démythifier l'information. Élément constitutif d'une société démocratique, l'idéal de l'information pour tous se nourrit d'une idée, dangereuse, sinon fausse, qui remonte aux années 1930-1940 : l'idée selon laquelle les moyens d'information, décrétés quatrième pouvoir, sont immanquablement les alliés de la démocratie et de la participation des citoyens à la gestion des affaires qui les concernent. Sans jamais se lasser, depuis 1945, professeurs et journalistes, politiques ou simples citoyens ont répété, des deux côtés de l'Atlantique, à l'O.N.U. ou à l'U.N.E.S.C.O., que la démocratie triompherait nécessairement le jour où les citoyens disposeraient enfin d'une information complète et objective. Idée reçue ou conviction d'autant plus répandue qu'elle prête à toutes les transfigurations : ainsi l'équivalence entre l'information et la démocratie, autre version de ce slogan, tout aussi trompeur, qui assimile le savoir et le pouvoir. Pourquoi, en effet, la presse et la radio-télévision, vouées à l'information et décrétées toutes-puissantes, ne seraient-elles pas les instruments privilégiés du changement et du progrès social ? Pourquoi ne transformeraient-elles pas le style des relations entre les hommes, la substance même de la vie sociale ?

Il est vrai que l'information est aujourd'hui plus abondante et peut-être aussi plus complète qu'hier. Il est vrai aussi qu'elle circule mieux et plus vite : son réseau est en passe de devenir planétaire, avec des voies transcontinentales, des autoroutes nationales et des chemins vicinaux. Mais ce constat, heureux, se heurte à une banalité que notre société dite de communication oublie trop souvent : l'information ne vaut que pour celui qui a appris à s'en servir. Elle ne revêt de signification que par rapport à celui qui la diffuse. Et elle ne représente un pouvoir que pour celui qui, après l'avoir comprise, a les moyens d'en tirer un certain parti.

Aux idées reçues des années de l'après-guerre, il faut substituer cette conviction, dont se réclame la problématique de la liberté de communication : ce qui définit la démocratie, ce n'est pas la quantité d'informations ou de journaux disponibles, mais le combat sans fin pour accroître les capacités de chacun à communiquer l'expression de sa pensée ou à accéder à l'expression de la pensée d'autrui. Ou bien, si l'on préfère une autre formulation : ce qui définit la démocratie, c'est le combat toujours recommencé et jamais gagné contre toutes les formes d'inégalités dans la libre expression des pensées de chacun et dans le libre accès aux pensées d'autrui, quelles[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-II-Panthéon-Assas

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Médias

Liberté de la presse - crédits : Keystone-France/ Gamma-Keystone/ Getty Images

Liberté de la presse

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