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PREUVE JUDICIAIRE

Valeur probante : hiérarchie de preuves

Dans le système de l' intime conviction, généralement suivi en France, la valeur probante des divers éléments produits devant le juge du fait est abandonnée à sa libre appréciation.

Le principe subit toutefois bien des dérogations dont le but est de réduire les risques d'erreur. Tantôt la loi prévoit que tel mode de preuve sera suffisant et nécessaire pour établir tel fait (système de la preuve légale) ; tantôt, au contraire, elle écarte tel mode de preuve qu'elle estime trop incertain. Les détails de ces déviations varient selon les législations et on se bornera ici à donner quelques exemples.

La preuve réelle paraît la plus sûre par sa fixité et son objectivité. Elle se recommande en outre par l'aisance avec laquelle elle est produite : les « pièces à conviction » (armes, plans, photographies) s'offrent à l'examen du juge, et celui-ci peut se transporter sur les lieux (du crime, de l'accident) pour en obtenir une vision directe. Mais le langage des objets inanimés, même avec l'aide d'experts, demeure souvent obscur, s'il n'est pas fallacieux (manteau de Joseph aux mains de la femme de Putiphar, mouchoir de Desdémone) ; il ne vaut somme toute que ce que vaut le témoignage rendu à son propos.

Or, quels ne sont pas les dangers du témoignage ? Les faits extérieurs perçus par les sens ne sont transmis à la conscience que sous une forme fragmentaire et déformée, surtout lorsque, témoins désintéressés, rien ne nous porte à leur prêter une attention soutenue. Bien des témoins sont disqualifiés ou dispensés du témoignage en justice pour des causes prévues par la loi (secret professionnel ou secret d'État ; indignité du chef de condamnation criminelle ; incapacité physique à cause de l'âge ou de l'infirmité mentale). Les personnes les mieux renseignées sur les faits litigieux sont probablement les parties en cause ; mais la plupart des législations excluent aussi leur témoignage et celui de leurs parents, alliés et domestiques, comme étant vicié par la partialité. Cette cause d'exclusion a été abolie en Angleterre et, depuis 1843, les parties y sont admises à témoigner sous serment dans leur propre cause en matière civile. Même en matière pénale, une loi de 1898 a permis à l'accusé de témoigner à sa propre décharge. Sans se faire plus qu'ailleurs d'illusion sur la sincérité des témoins, le droit anglais cherche à y remédier en soumettant tout témoin, quel qu'il soit, à la redoutable épreuve de la cross-examination (interrogatoire croisé) par la partie adverse.

On a vanté la valeur probante des indices, accrue grâce aux progrès de la science. Mais la preuve indiciale n'est nullement à l'abri de l'erreur, voire de la fraude : si le choix des indices est tendancieux, il vicie les conclusions qu'on en tire ; et plus on s'écarte des données certaines, moins la présomption sera justifiée. Bref, s'il est vrai de dire que « les faits ne trompent pas », encore faut-il procéder avec la plus grande prudence. Aussi, le Code civil (art. 1353) exhorte-t-il le juge à n'admettre les présomptions de l'homme que si elles sont à la fois graves, précises et concordantes ; et le droit anglais va jusqu'à rejeter toute une série de faits dont le bon sens n'hésite pas à se contenter dans la vie quotidienne : l'opinion personnelle du témoin, voire la réputation ou la commune renommée, écartées des débats comme risquant de détourner l'attention des faits précis ; les faits analogues et les antécédents (spécialement les condamnations antérieures), susceptibles les uns et les autres de créer un préjugé défavorable à l'une des parties ; enfin et surtout, l'ouï-dire (hearsay), tenu comme anathème parce que s'offrant aux lieu[...]

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Écrit par

  • : ancien doyen de la faculté de droit de l'université de Jérusalem

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