- 1. Le paludisme : une maladie liée à un écosystème complexe
- 2. Une logique binaire du contrôle du paludisme
- 3. Se débarrasser des Plasmodiumpour lutter contre le paludisme
- 4. Tuer les anophèlespour se débarrasser du paludisme
- 5. Nécessité d’une approche multipolaire d’un écosystème pathogène
- 6. La vaccination contre le paludisme, la rupture ?
- 7. Bibliographie
- 8. Sites internet
PRÉVENTION DU PALUDISME
Tuer les anophèlespour se débarrasser du paludisme
La destruction d’un nombre suffisant d’anophèles constitue l’autre volet logique de la lutte contre le paludisme. De nombreuses méthodes ont été proposées, fondées pour nombre d’entre elles sur la gestion des eaux stagnantes nécessaires à la ponte et à l’éclosion des larves d’anophèles.
La gestion des zones de reproduction des insectes
L’anophèle exige des sites particuliers pour se reproduire, variables d’une espèce à une autre, mais impliquant invariablement une zone de ponte en eau calme ou stagnante. Il s’agit donc de limiter et de détruire ce type de zones, qui sont en général faciles à identifier.
Le drainage des zones humides et l’assèchement partiel ou total des zones palustres sont des méthodes bien connues, mais difficiles à apprécier. Par exemple, la politique de grands travaux hydrauliques entreprise en Italie de 1920 à 1940 (dans le cadre de la « bonification intégrale ») n’a eu qu’une efficacité limitée à certaines provinces, en tous cas sans commune mesure avec les investissements financiers consentis. Le résultat principal en a été la récupération de terres agricoles, ce qui constituait déjà l’objectif de gestion des terres paludéennes dans les états pontificaux dès le xve siècle. Au plan local, une gestion de l’eau qui élimine les eaux stagnantes à proximité des maisons se révèle efficace, comme pour la dengue.
Les insecticides
Une autre manière de tuer l’anophèle sur de grandes surfaces consiste à utiliser des insecticides. Avec le pyrèthre (utilisé en agriculture dès les années 1850), puis l’emploi du DDT (dichloro-diphényl-trichloroéthane) pendant la Seconde Guerre mondiale et jusque vers 1965, on a pu croire à une victoire proche contre le paludisme. Le DDT puis d’autres pesticides ont été utilisés à grande échelle pour se débarrasser des anophèles adultes et de leurs larves par aspersion des marais, lacs et bordures de rivières ; ils ont certainement fortement contribué à l’éradication du paludisme en Méditerranée et dans de nombreuses régions hors d’Europe. Mais la résistance aux insecticides qui se développe rapidement, leur effet non spécifique et leur toxicité à long terme sur la faune en ont vite limité l’utilisation au profit, entre autres, de celle d’insecticides différents. Les services de santé ont rencontré ici les mêmes difficultés que les agriculteurs avec les insectes ravageurs des cultures : il n’y a pas de méthode simple pour en venir à bout.
Lutte biologique contre les anophèles
Face aux difficultés inhérentes à l’usage de la chimie, l a lutte biologique contre les moustiques connaît un regain de faveur, par exemple avec le recours à des petits poissons, les Gambusia en particulier, qui sont friands des larves et des pupes d’anophèle. Cette stratégie n’est pas nouvelle puisque cette espèce de poissons, originaire d’Amérique du Nord, avait été inscrite dès 1919 sur la liste des agents antipaludéens par le département américain de l’Agriculture. La méthode est introduite en Europe (d’abord en Espagne, puis en Italie et en Corse au début des années 1920) par la fondation Rockefeller. Les résultats obtenus avec ces poissons auraient été remarquables et rapides. En l’absence de prédateurs, les Gambusia prolifèrent et dévorent les larves et les pupes de diptères à la surface de l’eau. Selon les scientifiques œuvrant pour la fondation Rockefeller à l’époque, une décroissance des cas nouveaux de paludisme a été observée dans les zones ensemencées. Le commerce des Gambusia a été ainsi très actif jusque vers 1940, ce qui suggère une certaine efficacité de cette stratégie, sans pour autant que l’on dispose d’études scientifiques quantifiées à ce propos.
Sur cette base un peu incertaine, et passé le triomphe du DDT puis les médiocres résultats de la prophylaxie[...]
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Écrit par
- Gabriel GACHELIN : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur
Classification
Médias