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PRÉVENTION DU PALUDISME

La vaccination contre le paludisme, la rupture ?

Ainsi, les méthodes de prévention du paludisme se sont progressivement améliorées depuis leur rationalisation au début du xxe siècle, sans cependant connaître de changement profond dans leur logique : toutes procèdent des principes élaborés par Celli et Swellengrebel. Un autre paradigme est nécessaire pour venir à bout du paludisme. De ce point de vue, il faut se souvenir que la mise au point à la fin des années 1930 d’un vaccin contre la fièvre jaune – une maladie à vecteur également – a été décisive dans sa quasi-éradication. La mise au point de vaccins contre le paludisme constituerait une rupture de même nature. Or, du fait de la complexité du cycle biologique des parasites du paludisme et parce que ces derniers ne sont accessibles au système immunitaire que lors des stades extracellulaires, la mise au point d’un vaccin contre cette maladie est restée longtemps un espoir lointain.

Mode d’action du vaccin contre le paludisme - crédits : Encyclopædia Universalis France

Mode d’action du vaccin contre le paludisme

Après plusieurs décennies de recherches, deux vaccins ont été homologués par l’OMS depuis 2020. Le premier, le RTS,S/AS01E (distribué sous la marque MosquirixTM) a été développé par GlaxoSmithKline (GSK) en partenariat avec la Malaria Vaccine Initiative de l’association PATH. Le second, le R21/Matrix-MTM, a été mis au point par le Jenner Institute de l’université d’Oxford associé au Serum Institute of India, qui le produit. Ces deux vaccins sont des protéines recombinantes qui utilisent deux régions immunogènes de la protéine CSP (circumsporozoite protein), abondamment exprimée à la surface du parasite et accessible à des effecteurs immunitaires pendant les périodes du cycle où ce dernier est dans le sang. Les anticorps anti-CSP se fixent sur le sporozoïte – la forme infestante mobile du parasite, injectée lors de la piqûre par le moustique – et empêchent son entrée dans les cellules hépatiques, étape nécessaire au développement du parasite.

Le R21/Matrix-MTM a atteint en 2023 une efficacité de 75 % contre Plasmodium falciparum; son coût est bas (autour de 3 dollars la dose) ; il suppose deux injections et une vaccination saisonnière. Il est désormais en application-test sur de grandes populations à risque au Ghana, Nigeria et Burkina Faso sous l’égide de l’OMS, en particulier sur les enfants de moins de cinq ans. Le vaccin de GSK requiert quant à lui trois injections et un rappel à vingt mois. La capacité d’action de ces deux préparations, en rupture avec celle des vaccins testés auparavant, tient largement à leur nature particulaire inspirée de celle des vecteurs des vaccins à ARNm et aux adjuvants utilisés. D’autres vaccins sont en test, dont des vaccins à ARNm, en principe facilement adaptables à toutes espèces de Plasmodium.

L’efficacité assez remarquable de ces vaccins, si elle se confirme dans le temps, pourrait ainsi constituer une percée d’importance capitale dans la lutte contre le paludisme, en fait la première véritable rupture avec les stratégies élaborées au cours du siècle précédent. Sans cependant rendre caduques les procédures locales de protection, elle couronnerait enfin les espoirs d’accéder à une prévention réellement fonctionnelle au moins dans la population la plus exposée à une évolution grave, c’est-à-dire les enfants de moins de cinq ans.

— Gabriel GACHELIN

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Écrit par

  • : chercheur en histoire des sciences, université Paris VII-Denis-Diderot, ancien chef de service à l'Institut Pasteur

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Médias

Méthodes de prévention du paludisme - crédits : Encyclopædia Universalis France

Méthodes de prévention du paludisme

Une ferme dans les marais pontins  (Italie, au sud de Rome) - crédits : E. Brumpt

Une ferme dans les marais pontins  (Italie, au sud de Rome)

<it>Gambusia affinis</it>, poisson larvivore - crédits : topimages/ shutterstock

Gambusia affinis, poisson larvivore