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PRIMAUTÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

Le principe de primauté permet de résoudre un conflit entre des normes (règles, lois…) appartenant à des ordres juridiques distincts, en attribuant à l’un des deux ordres juridiques une primauté (une priorité d’application) sur l’autre. Le principe de primauté du droit de l’Union européenne veut qu’en cas de conflit entre une norme de droit de l’Union européenne et une norme de droit interne (droit de l’un des États membres de l’Union), la première doit prévaloir, cette obligation s’imposant à toutes les autorités nationales. Absent des traités, le principe de primauté a été consacré par la Cour de justice des Communautés européennes dans le célèbre arrêt Costa c. ENEL du 15 juillet 1964, un an après le non moins connu arrêt Van Gend & Loos (5 février 1963), qui avait affirmé que la Communauté économique européenne (CEE) était un nouvel ordre juridique dont les règles s’appliquent aux États membres et à leurs ressortissants – c’est ce qu’on appelle « l’effet direct » du droit communautaire. Ces deux jurisprudences ont puissamment contribué au processus d’intégration européenne (Marti, 2023). Simple dans sa formulation, le principe de primauté n'en est pas moins radical dans ses effets. Ainsi, la question de la primauté du droit de l’Union européenne, susceptible de remettre en cause le caractère suprême des Constitutions des États membres, a été à l’origine de nombreuses inquiétudes, dont se sont fait écho les débats entre juristes, ainsi que les juridictions nationales, qui ont érigé de véritables « réserves de constitutionnalité » (limitations du droit européen par un principe de droit constitutionnel national) à la primauté du droit de l’Union.

Ces débats ont pris une ampleur sans précédent lors de la rédaction du traité établissant une Constitution pour l’Europe (2004), qui faisait référence, dans son article 1-6, à la primauté du droit de l’Union européenne sur le droit des États membres. Selon certains, l’affirmation du principe de primauté par ce traité impliquait ipso facto sa mutation en une Constitution et la transformation de l’Union européenne en un État fédéral. Le fait que le traité ne soit pas entré en vigueur, en raison de la victoire du « non » aux référendums en France (le 29 mai 2005) et aux Pays-Bas (le 1er juin 2005), a mis un terme à la controverse doctrinale. En effet, le principe de primauté n’apparaît plus dans le corps des traités tels qu’ils ont été modifiés par le traité de Lisbonne (2007). Les résistances des juridictions nationales n’ont toutefois pas cessé, certaines d’entre elles continuant à faire obstacle à la primauté du droit de l’Union, notamment à l’égard des Constitutions nationales. De fait, la formulation « absolue » du principe de primauté par la Cour de justice de l’Union européenne n’est pas appliquée dans toute sa rigueur par les juridictions nationales, ce qui a provoqué en retour une réaction de la part de ladite Cour qui a, selon les cas, opté pour l’apaisement et la conciliation, ou pour le durcissement de son arsenal répressif.

La formulation absolue du principe de primauté par la Cour de justice de l’Union européenne

Le principe de primauté posé par la Cour de justice des Communautés européennes dès les années 1960 est un principe fondateur du droit de l’Union. Il convient donc d’en préciser le fondement et la portée, ainsi que ce qu’il implique pour les autorités nationales, notamment juridictionnelles.

Le fondement et la portée du principe de primauté

La primauté du droit communautaire a été consacrée par la Cour de justice des Communautés européennes dans l’arrêt Costa c. ENEL de 1964. La Cour était saisie d’un renvoi préjudiciel en interprétation (procédure permettant à une juridiction nationale, dans le cadre d'un litige, de l’interroger sur[...]

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Écrit par

  • : professeure de droit public, titulaire de la chaire européenne Jean Monnet, directrice du Centre d’études européennes, université Jean Moulin Lyon 3

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