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PRIMAUTÉ DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE

La réception du principe de primauté par les juridictions nationales

Le principe de primauté du droit de l’Union européenne est admis dans la quasi-totalité des États membres. Cependant, les décisions de certaines juridictions nationales manifestent une résistance vis-à-vis du fondement et de la portée du principe de primauté, voire dans certains cas un rejet pur et simple de celui-ci.

Le refus du fondement autonome du principe de primauté

Si le principe de primauté du droit de l’Union a été accepté par les juridictions nationales, ce n’est que partiellement. Ces juridictions continuent en effet, dans leur grande majorité, à fonder le principe de primauté, non pas sur la « nature spécifique originale » des traités communautaires, mais sur leurs propres Constitutions nationales. La plupart des États membres de l’Union ont en effet adopté des dispositions constitutionnelles spécifiquement dédiées à l’Union européenne. Ces « clauses Europe » donnent un ancrage constitutionnel à l’intégration européenne, tout en levant les obstacles à l’approfondissement de celle-ci. C’est ainsi qu’en France, la révision constitutionnelle du 25 juin 1992 a introduit un nouveau titre XIV (aujourd’hui titre XV : « De l’Union européenne »), afin de permettre la ratification du traité de Maastricht, considéré jusque-là comme partiellement inconstitutionnel par le Conseil constitutionnel. Ce titre XV intègre dans la Constitution de la Ve République les dispositions du traité qui avaient été déclarées non conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel : le mandat d’arrêt européen (article 88-2), le droit de vote et d’éligibilité des citoyens européens aux élections municipales (article 88-3), la possibilité pour l’Assemblée nationale ou le Sénat d’émettre un avis motivé sur la conformité d’un projet d’acte législatif européen au principe de subsidiarité (article 88-6), etc. Les « clauses Europe » ont peu à peu remplacé, dans les décisions des juridictions nationales, les fondements dévolus au droit international. En France, l’article 88-1 a ainsi supplanté l’article 55 de la Constitution – « Les traités […] ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois » – comme fondement de la primauté du droit de l’Union européenne sur le droit interne. Il en résulte un statut spécifique du droit de l’Union, ainsi qu’un contentieux particulier initié par une décision du Conseil constitutionnel (décision « loi sur l’économie numérique », no 2004-496 DC du 10 juin 2004, précisée par la décision « droit d’auteur », no 2006-540 DC du 27 juillet 2006) qui affirme notamment que « la transposition en droit interne d'une directive communautaire résulte d'une exigence constitutionnelle ». Le Conseil d’État a fait sienne cette analyse : s’il juge toujours que la Constitution doit prévaloir sur les traités ou accords internationaux, et donc sur le droit de l’Union européenne, il reconnaît la place spécifique de ce dernier dans l’ordre interne (dans le droit national), consacrée par l’article 88-1 de la Constitution. Il découle en effet de cet article une obligation constitutionnelle de transposition des directives qui a conduit la Haute juridiction administrative, dans un arrêt Arcelor du 8 février 2007, à modifier les contours du contrôle de légalité des actes réglementaires de transposition.

Le refus de la portée absolue du principe de primauté

Puisque les juridictions nationales fondent la primauté du droit de l’Union sur leur Constitution, cela les autorise à en refuser la portée absolue. Ce refus se traduit par l’édiction de « réserves de constitutionnalité ». Celles-ci se sont successivement fondées sur la protection des droits fondamentaux, sur les spécificités des Constitutions nationales (la notion d’« identité constitutionnelle[...]

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Écrit par

  • : professeure de droit public, titulaire de la chaire européenne Jean Monnet, directrice du Centre d’études européennes, université Jean Moulin Lyon 3

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